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Et il arriva dans ces jours que les philistins s’assemblerent pour combattre… et dès le commencement du combat Israël tourna le dos ; et on en tua environ quatre mille. Le peuple ayant donc envoyé à Silo, on amena l’arche du pacte du seigneur des armées assis sur les chérubins ; et lorsque l’arche du seigneur fut arrivée au camp, tout le peuple jetta un grand cri, qui fit retentir la terre ; et les philistins ayant entendu la voix de ce cri, disaient : quelle est donc la voix de ce cri au camp hébraïque ! Confortez-vous, philistins, soyez hommes, de peur que vous ne deveniez esclaves des hébreux, comme ils ont été les vôtres[1]. Donc les philistins combattirent ; et Israël s’enfuit ; et on tua trente mille hommes d’Israël. L’arche de Dieu fut prise, et les deux fils du grand-prêtre Héli, Ophni et Phinée, furent tués… Héli avait alors quatre-vingt-dix-huit ans… et quand il eut appris que l’arche de Dieu était prise, il tomba de son siege à la renverse, et s’étant cassé la tête il mourut… les philistins ayant donc pris l’arche, ils la menerent dans Azot, et la placerent dans leur temple Dagon auprès de Dagon… le lendemain les habitants d’Azot s’étant

    plus belles dans l’ancien Orphée, et même dans les mysteres d’Isis et de Cérès. Ce systême monstrueux est suivi par Fréret, par Du Marsais, et même par le savant abbé De Longue-Rue : mais c’est abuser de son érudition, et vouloir se tromper soi-même, que d’égaler les vers d’Homere aux pseaumes des juifs, et la fable à la bible.

  1. l’auteur sacré ne nous apprend ni comment les hébreux s’étaient révoltés contre les philistins leurs maîtres, ni le sujet de cette guerre, ni quelle place avaient les hébreux, ni où l’on combattit ; il nous parle seulement de trente-quatre mille juifs tués malgré la présence de l’arche. Comment concevoir qu’un peuple esclave, qui a essuyé de si grandes et de si fréquentes pertes, puisse sitôt s’en relever ! Les critiques ont toujours osé soupçonner l’auteur d’un peu d’exagération, soit dans les succès, soit dans les revers ; il vaut mieux soupçonner les copistes d’inexactitude. L’auteur semble beaucoup plus occupé de célébrer Samuel, que de débrouiller l’histoire juive : on s’attend envain qu’il donnera une description fidele du pays, de ce que les juifs en possédaient en propre sous leurs maîtres, de la maniere dont ils se révolterent, des places ou des cavernes qu’ils occuperent, des mesures qu’ils prirent, des chefs qui les conduisirent : rien de toutes ces choses essentielles ; c’est delà que Mylord Bolingbroke conclut que le lévite, auteur de cette histoire, écrivait comme les moines écrivirent autrefois l’histoire de leurs pays. Nous pouvons dire que Samuel, étant devenu un prophete, et Dieu lui parlant déjà dans son enfance, était un objet plus considérable que les trente mille hommes tués dans la bataille, qui n’étaient que des profanes, à qui Dieu ne se communiquait pas ; et qu’il s’agit dans la ste écriture des prophetes juifs, plus que du peuple juif.