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très-robustes avec cet ordre : allez, et frappez dans la bouche du glaive tous les habitans de Jabès, tant les femmes que les petits enfans, tuez tous les mâles et les femmes qui ont connu des hommes, et réservez les filles... or il se trouva dans Jabès quatre cents filles qui étaient encore vierges. On les amena au camp de Silo dans la terre de Canaan[1]. Alors les enfans de Benjamin revinrent, et on leur donna pour femmes ces quatre cents filles de Jabès. Mais il en fallait encore deux cents ; et on ne pouvait les trouver. Voici donc la résolution que les israélites prirent : voici une fête qui va se célébrez au seigneur dans Silo ; benjamites, cachez-vous dans les vignes ; et lorsque vous verrez les filles de Silo venir danser en rond selon la coutume, sortez tout d’un coup des vignes, que chacun prenne une fille pour sa femme, et allez au pays de Benjamin. Les fils de Benjamin firent selon qu’il leur avait été prescrit ; chacun prit une des filles qui dansaient en rond, et ils allerent rebâtir leurs villes et leurs maisons[2].

  1. cette maniere de repeupler une tribu a paru bien singuliere à tous les critiques. Tout le peuple juif est ici supposé égorger tous les habitans d’une de ses propres villes, pour donner des filles à ses ennemis. On massacre les meres pour marier leurs filles. Le curé Mêlier dit, que ces fables de sauvages feroient dresser les cheveux à la tête si elles ne fesaient pas rire. Nous avouons que cet expédient pour rétablir la tribu de Benjamin est d’une barbarie singuliere ; mais Dieu ne l’ordonna pas. Ce n’est point à lui qu’on doit s’en prendre de tous les crimes que commet son peuple. Ce sont des temps d’anarchie. Les critiques insistent ; ils disent que Dieu fut consulté pendant cette guerre, que son arche y étoit présente : mais on ne trouve point dans le texte que Dieu ait été consulté quand ils tuerent tous les habitans de Jabès avec toutes les femmes et les petits enfants.
  2. nous ne savons comment excuser cette nouvelle maniere de completter le nombre des six cents filles qui manquaient aux benjamites. C’est précisément devant l’arche qui était à Silo, selon le texte ; c’est dans une fête célebre en l’honneur du seigneur, c’est sous ses yeux que l’on ravit deux cents filles. Les israélites joignent ici le rapt à l’impiété la plus grande. On doit convenir que tout cet amas d’atrocités du peuple de Dieu est difficile à justifier.