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terreur. Le seigneur renversa tous ses chariots et tous ses soldats dans la bouche du glaive, de sorte que Sizara descendit de son chariot pour mieux fuir à pied... Sizara ainsi fuyant parvint à la tente de Jahel femme d’Haber Cinéen, car il y avait paix alors entre Jabin roi d’Azor et la famille de Haber le Cinéen... Jahel étant donc venue au-devant du capitaine Sizara, lui dit : entrez dans ma tente, ne craignez rien. Il entra dans la tente, et elle le couvrit d’un manteau. Et il lui dit : donne-moi, je t’en prie, à boire, car j’ai grande soif. Elle lui donna du lait plein une peau de bouc. Et Sizara s’étant endormi, Jahel, femme d’Haber prenant un grand clou de sa tente avec un marteau, rentra tout doucement, et enfonça le clou à coups de marteau dans la tempe et dans la cervelle de Sizara jusqu’en terre. Et le sommeil de Sizara se joignit au sommeil de la mort[1]. Or les enfans d’Israël firent encore le mal devant le seigneur ; et il les livra pendant sept ans entre les mains des madianites, et ils furent très-opprimés. Ils se creuserent des antres dans les cavernes et dans les montagnes pour se cacher... et ils crierent au seigneur, lui demandant du secours contre les madianites... or l’ange du seigneur vint s’asseoir sous un chêne à éphra, appartenant à Joas le chef de la famille d’éfri. Et Gédéon son fils battait et vannait son bled dans le pressoir. L’ange du seigneur lui apparut donc et lui dit : Dieu est avec toi... tu délivreras Israël de la puissance des madianites. Et Gédéon lui dit : si j’ai

  1. l’action de Jahel a été regardée par les critiques comme plus horrible encore que l’assassinat du roi Eglon par Aod ; car Aod pouvait avoir du moins quelque excuse de tuer un prince qui avait rendu sa nation esclave ; mais Jahel n’était point juive, elle était femme d’un cinéen qui était en paix avec le roi Jabin. Nous n’examinons pas ici, comment le texte peut dire qu’un particulier était en paix avec un roi qui avait trois cents mille hommes sous les armes. Nous n’examinons que la conduite de Jahel qui assassine le capitaine Sizara à coups de marteau, et qui cloue sa cervelle à terre. On ne dit point quelle récompense les juifs lui donnerent. Seulement on lui donne des éloges dans le cantique de Débora. Elle n’aurait aujourd’hui chez nous ni récompense ni éloge. Les temps sont changés. Il est vrai que dans la guerre des fanatiques des Cévenes, ces malheureux avaient une prophétesse nommée la grande Marie, qui dès que l’esprit lui avait parlé, condamnait à la mort les captifs faits à la guerre ; mais c’était un abus horrible des livres sacrés. C’est le propre des fanatiques qui lisent l’écriture sainte, de se dire à eux-mêmes : Dieu a tué, donc il faut que je tue ; Abraham a menti, Jacob a trompé, Rachel a volé, donc je dois voler, tromper, mentir. Mais, malheureux ! Tu n’es ni Rachel, ni Jacob, ni Abraham, ni Dieu : tu n’es qu’un fou furieux ; et les papes qui défendirent la lecture de la bible furent très-sages.