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Et le pays fut en repos pendant quatre-vingts ans... après Aod fut Sangar, qui tua six cents philistins avec un soc de charrue, et qui défendit Israël. Et après la mort d’Aod les fils d’Israël recommencerent à faire le mal aux yeux du seigneur ; et le seigneur les livra à Jabin roi des cananéens, dont la capitale était Azor[1]. Les fils d’Israël crierent donc au seigneur ; car Jabin avait neuf cents chariots de guerre armés de faulx ; et il les opprima avec véhémence pendant vingt ans[2]. Or il y avait une prophétesse nommée Débora femme de Lapidoth, laquelle jugeait le peuple... elle envoya donc chercher Barac, et lui dit : le seigneur Dieu d’Israël t’ordonne d’aller et de mener dix mille combattans sur le mont Thabor...[3]. Or Sizara (capitaine des armées du roi Jabin) fut saisi de

  1. qu’entend l’auteur par un repos de quatre-vingts ans ? Ces mots ne peuvent signifier que les juifs furent les maîtres de la contrée pendant ce grand nombre d’années, mais seulement qu’on ne les inquiéta pas. Il faut bien pourtant qu’on les inquiétât, puisque Sangar, successeur d’Aod, tue six cents palestins, ou philistins, ou phéniciens, avec le fer d’une charrue. Il fallait que ce Sangar fût aussi fort que Samson. Immédiatement après, les juifs sont réduits en esclavage pour la troisieme fois par ces mêmes cananéens qui avaient été exterminés jusqu’au dernier. Ce cahos historique est bien difficile à débrouiller. L’auteur sacré écrivait pour des juifs, qui probablement étaient instruits des particularités de leur histoire, et qui entendaient aisément ce que nous ne pouvons comprendre.
  2. on n’a point encore entendu parler de ce roi Jabin, qui régnait dans le Canaan envahi par Josué, et qui avait neuf cents chariots de guerre. Nous ne pouvons dire de ces chariots que ce que nous en avons déja dit. Diodore de Sicile nous conte que le prétendu Sésostris alla conquérir le monde avec dix-huit cents chariots. Le roi Jabin n’en pouvait conquérir que la moitié. Mais où avait-il pris ses neuf cents chariots ? Et toujours la même question : comment les six cents mille soldats de Josué, qui en avaient dû engendrer douze cents mille autres, furent-ils esclaves, et leurs enfans aussi ? Esclaves dans ce petit terrein que Dieu leur avait promis par serment ! ô altitudo !
  3. Débora est la seconde prophétesse, car Marie, sœur de Mosé, le fut avant elle. Mais Débora fut la premiere et la seule qui fût juge. On est surpris de ne trouver ni dans le lévitique, ni dans le deutéronome, ni dans l’exode, ni dans les nombres, aucune loi qui permette aux femmes de juger les hommes. Il y a eu de tout temps, et dans toutes les histoires anciennes, des femmes qui ont prédit l’avenir, mais on ne leur attribua jamais de jurisdiction. Le mont Thabor est très-loin au septentrion de cette ville d’Azor où demeurait le roi Jabin, dans la basse Galilée. Il fallait donc que le roi Jabin eût conquis tout le Canaan. Aussi quelques auteurs juifs lui donnent une armée de trois cents mille fantassins, de dix mille cavaliers, et de trois mille chariots. Le mont Thabor est une montagne très-célebre dans l’écriture sainte, par la splendeur qui brilla sur la robe de Jesus-Christ, et par l’entretien qu’il eut avec Mosé et élie.