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pourquoi as-tu battu trois fois ton ânesse ? Je suis venu à toi, parce que ta voix est perverse et contraire à moi ; et si ton ânesse ne s’était pas détournée de la voie, je t’aurais tué, et j’aurais laissé la vie à ton ânesse… or Balac alla au-devant de Balaam dans une ville des moabites sur les confins de l’Arnon. Ils allerent donc ensemble jusqu’à l’extrémité de sa terre. Et Balac, ayant fait tuer des bœufs et des brebis, envoya des présents à Balaam et aux princes qui étaient avec lui. Et Balaam dit à Balac : fais-moi dresser sept autels, et prépare sept veaux et sept moutons. Et Balac et Balaam mirent ensemble sur l’autel un veau et un bélier ; et Balaam s’en allant promptement, Dieu alla au devant de lui. Et Balaam lui dit : j’ai dressé sept autels, et j’ai mis un veau et un bélier sur chacun. Alors le seigneur lui dit : retourne à Balac, et dis-lui ces choses. Balaam étant retourné, trouva Balac debout près de son [1] holocauste, et tous les princes des moabites. Et s’échauffant dans sa parabole, il dit : Balac roi des moabites m’a appellé des montagnes d’orient ; viens au plus vite m’a-t-il dit, maudis Jacob et déteste Israël. Comment maudirais-je celui que Dieu n’a point maudit ? Comment détesterais-je celui que Dieu ne déteste pas ?… qui pourra nombrer la poussiere de Jacob et le nombre de la quatrieme partie d’Israël ?… il n’y a point d’iniquité dans Jacob, ni de travail dans Israël. Sa force, est semblable à celle du rhinocéros… Balac, en colere contre Balaam et frappant des mains, lui dit : je t’ai fait venir pour maudire mes ennemis ; et tu les as bénis ; retourne en ton pays ; j’avais résolu de te donner un honoraire magnifique, et le seigneur t’en a privé [2]

  1. remarquez que Dieu ne prend soin d’instruire, et de conduire aucun prophete dans l’ancien testament avec plus d’empressement qu’il n’en montre envers Balaam. On croirait que toutes les nations avaient alors la même religion, si le contraire n’était pas dit dans plusieurs autres passages. Il faut encore observer que les bénédictions et les malédictions étaient regardées par tout comme des oracles, comme des arrêts de la destinée auxquels on ne pouvait échapper. Le sort de tout un peuple était attaché à des paroles ; et quand ces paroles étaient dites, on ne pouvait plus se rétracter. Vous avez vu que quand Jacob surprit la bénédiction d’Isaac son pere, quoique par une fraude aussi criminelle que grossiere, Isaac ne put la rétracter : il est dit que cette bénédiction eut son effet au moins pour quelque temps. Ici Dieu-même prend soin de diriger toutes les bénédictions, toutes les prophéties de Balaam, comme si un mot de mauvais augure devait empêcher l’effet de la conjuration et en détruire le charme. Ces idées prévalurent long-temps chez les orientaux.
  2. non seulement tous ces passages indiquent que le prophete Balaam était