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Dieu parla encore à Mosé et à Aaron, disant : tout homme dont la peau et la chair aura changé de couleur, avec des pustules comme luisantes, sera amené devant Aaron le prêtre, ou à quelqu’un de ses enfans, lequel, quand il aura vu la lepre sur la peau, et les poils devenus blancs, et les marques de la lepre plus enfoncées que le reste de la chair, il jugera que c’est la lepre [1]. Dieu parla encore à Mosé et à Aaron, disant : quand vous serez en Canaan, s’il se trouve un bâtiment infecté de lepre, le maître de la maison en avertira le prêtre... si la lepre persévere et si la maison est impure, elle sera détruite aussi-tôt, et on en jetera les pierres, les bois et toute la poussiere hors de la ville dans un endroit immonde [2]

  1. il y a plus de trente maladies de la peau ; et le nom de lepre est un nom général : depuis la simple gratelle jusqu’au cancer, toutes ces maladies prennent des noms différens. Les critiques ont trouvé étrange qu’on envoyât les lépreux aux prêtres, au lieu de les envoyer aux médecins, ce qui fait voir, disent-ils, qu’il n’y avait point de médecin dans un pays aride, et dans un climat mal-sain qui produit tant de maladies. Les juifs sur-tout devaient être infectés de diverses sortes de lepres dans des déserts de sables, où l’on ne trouvait que quelques puits d’une eau bitumineuse et nitreuse, qui augmentait encore ces maladies dégoûtantes. Don Calmet, dans sa dissertation sur la lepre, prétend que ces maladies sont causées par de petits vers qui se glissent entre cuir et chair . Calmet n’était pas médecin ; les œufs des vers, dont la terre est pleine, se mettent quelquefois dans les ulceres de la chair, mais ils n’en sont pas la cause... nous avons eu plusieurs charlatans, qui ont fait accroire que toutes les maladies étaient causées par des vers, et que chaque espece d’animaux, étant dévorée par une autre espece, on pouvait faire manger les vers de l’apoplexie et de l’épilepsie par des vers anti-apoplectiques et anti-épileptiques. Que de charlatans de toute espece ! Et que n’a-t-on pas inventé pour tromper les hommes, et pour se rendre maître de leurs corps et de leurs ames !
  2. il faut pardonner à un peuple aussi grossier, et aussi ignorant que le peuple juif, cette imagination de la lepre des maisons. Il n’y a point de muraille qui ne change de couleurs et dans laquelle il ne se loge quelques petits insectes. On voit même dans nos villes plusieurs de ces murs noircis, et remplis de ces animaux presque imperceptibles, comme le sont presque tous nos fromages au bout d’un certain temps : car les œufs de tous ces petits animaux innombrables sont portés par le vent, éclosent ensuite dans toutes les viandes, dans les fruits, dans l’écorce des arbres, dans les feuilles, dans les sables, dans les pierres, dans les cailloux. Rien ne serait plus ridicule que de couper ses arbres, et d’abattre ses maisons, parce que