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AVERTISSEMENT

POUR LA PRÉSENTE ÉDITION.

Adélaïde du Guesclin est la première tragédie française (nous entendons depuis l’époque classique) (qui soit franchement puisée dans nos traditions, où les personnages portent des noms célèbres dans nos annales, la première du moins qui marque dans notre histoire littéraire. « Deux choses, dit Laharpe, paraissent avoir influé sur le choix du sujet d’Adélaïde, et toutes deux tenaient au grand succès de Zaïre. Cette pièce si heureuse avait prouvé à l’auteur combien l’amour avait d’empire au théâtre, et combien son génie était propre à le traiter : il voulut tenter un nouvel ouvrage où l’amour dominât entièrement. Il avait vu le plaisir qu’avaient fait les noms français, et l’espèce particulière d’intérêt qu’ils avaient ajoutée à sa tragédie, lorsque les Montmorency, les Châtillon, les de Nesle, les d’Estaing, bordaient les premières loges aux représentations de Zaïre ; il résolut de choisir des héros français. Un trait hislorique, tiré des annales de Bretagne, lui offrit un sujet vraiment tragique. »

Adélaïde était terminée dès le commencement d’avril 1733. Elle fut représentée le 18 janvier 1734. L’événement fut autre que celui sur lequel l’auteur et tous ses amis avaient compté. Trente ans plus tard. Voltaire a raconté les mésaventures de la première représentation, comme on le verra ci-après dans l’Avertissement des éditeurs de Kehl. La seconde représentation fut plus favorable. Le public se figura que l’auteur avait, suivant sa coutume, refondu toute sa pièce. Voltaire n’y avait fait que des corrections fort légères. « J’allai, dit le poëte, qui sortait de maladie, j’allai à l’enterrement d’Adélaïde dont le convoi fut assez honorable, et je suis fort content du parterre qui reçut Adélaïde mourante et Voltaire ressuscité avec assez de cordialité. »

Il paraît que les spectateurs redemandèrent la pièce à grands cris, mais que l’auteur, résolu à la retirer, ne se laissa point fléchir. C’est ce qu’il dit lui-même dans une lettre à M. Clément, du 19 février 1734. Il ne la fit pas non plus imprimer.

Adélaïde se releva par la suite ; elle reparut sous diverses formes et sous différents titres. Enfin la reprise de 1763 fut une revanche éclatante de l’échec de 1734. Lekain, le jour de cette reprise, joua le rôle de Vendôme ; il y obtint un prodigieux succès. Voltaire, pour lui témoigner sa satisfaction, lui accorda la permission de faire imprimer la pièce à son profit.