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HORTENSE, à Zoïlin.

Votre pauvre neveu, dont votre âme traîtresse
Avait empoisonné l’imprudente jeunesse,
Vient d’avouer, aux pieds de Cléon offensé,
L’ingratitude horrible où vous l’avez forcé.
Nous lui pardonnons tout ; un vrai remords l’anime ;
Son cœur est étonné d’avoir pu faire un crime.

CLÉON.

(A l’exempt.)

Qu’il parte. Allons, monsieur, hâtez-vous d’obéir.

(On emmène Zoïlin.)


ARISTON, à Cléon.

Dédaignez son offense, et laissez-vous fléchir.
Faut-il, malgré ses torts, qu’un homme méprisable,
Un homme tel qu’il soit, par moi soit misérable ?
Cléon, vous me verrez demander à genoux
Sa grâce au souverain, si je ne l’ai de vous.
Il a souffert assez puisqu’il connut l’envie ;
Lui-même il s’est couvert de trop d’ignominie.
N’est-il pas bien puni, puisque je suis heureux ?
Ah ! ce seul châtiment suffit à l’envieux.

CLÉON.

Généreux Ariston, vous êtes trop facile.
Mon cœur admire en vous cette vertu tranquille.
Étant homme privé, vous pouvez pardonner ;
Je suis homme public, je le dois condamner.
Un peuple renommé, dont les mœurs sont l’étude,
Fit autrefois des lois contre l’ingratitude :
Je suis ce grand exemple, et je dois vous venger
Des envieux ingrats qu’on ne peut corriger[1].


FIN DE L’ENVIEUX.
  1. On eut recours, en effet, au lieutenant de police pour se venger de Desfontaines. Celui-ci fut contraint de désavouer par écrit le libelle qu’il avait composé contre Voltaire, la Voltairomanie. (G. A.)