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D’un bienfaiteur trop simple eût troublé la maison :
Qui par d’affreux écrits, non moins plats que coupables,
Eût perdu, sans remords, des hommes estimables ;
Un hypocrite enfin, dont la fausse candeur
Du cœur le plus abject eût caché la noirceur ?

ZOÏLIN, bas, à part.

Tout va bien : d’Ariston il veut parler sans doute.

CLÉON.

Eh bien, que feriez-vous ?

ZOÏLIN, à part.

A bon droit je redoute
Qu’Ariston ne revienne ici me démasquer,

CLÉON.

Votre esprit là-dessus craint-il de s’expliquer ?

ZOÏLIN

Je jugerais trop mal ; et puis votre justice
Sait assez bien, sans moi, comme on punit le vice.

CLÉON.

Mais répondez.

ZOÏLIN

Le bien de la société
Veut le retranchement d’un membre si gâté.
Peut-être la prison où l’on doit le conduire
Le mettrait hors d’état de penser à nous nuire.

CLÉON.

C’est très-bien dit. Monsieur, c’est donc là votre avis.
Qu’en un cachot obscur un tel fripon soit mis ?

ZOÏLIN

Hélas ! je suis toujours pour qu’on fasse justice.

CLÉON.

(En indiquant Zoïlin.)


Eh bien, moi, je la fais. Gardes, qu’on le saisisse ;
Que ce monstre perfide aille dans la prison
Où son intrigue infâme entraînait Ariston.

ZOÏLIN, consterné.

Ah ! pardon, monseigneur !

CLÉON.

Ame lâche et farouche.
Subis le jugement qu’a prononcé ta bouche ;
Et, pour te mieux punir, revois ton protecteur.
Ton ami, dont l’aspect augmente ta rougeur.

(Ariston parait.)