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Esquivez-vous, vous dis-je ; ou vous êtes coffré [1].

CLITANDRE.


O ciel !

ARISTON.


Mes ennemis auraient-ils bien la rage… ?

LE LAQUAIS.

Vingt monstres bleus là-bas vous guettent au passage.

ARISTON.

Quelle horreur !

CLITANDRE.

Essayons si l’on peut vous cacher.

ARISTON.

Non, mon ami, sans doute on a su l’empôcher.
Croyez qu’on y prend garde, et qu’une vaine fuite
Servirait seulement à noircir ma conduite.
Clitandre, je veux voir à quelle extrémité
Ln homme vertueux sera persécuté.
Je connaîtrai du moins quel est mon caractère ;
Je n’étais point bouffi d’un sort assez prospère ;
Et puisque le bonheur ne m’avait point gâté,
Peut-être je saurai souffrir l’adversité.

CLITANDRE.

Je ne vous quitte point ; il faut que je partage
Dans l’horreur des prisons le sort qui vous outrage.

LE LAQUAIS, à part.

Voilà de sottes gens ! quelle démangeaison
Leur a pris à tous deux d’aller vivre en prison ?

(Il sort.)


ARISTON.

Je ne le peux souffrir. Autrefois ma fortune
En me favorisant dut nous être commune :
Il faut que mon malheur soit pour moi tout entier.
Restez heureux au monde où l’on va m’oublier.

(Il aperçoit Nicodon.)

Ah ! vous voici, jeune homme !

  1. Cet épisode n’est pas d’invention ; il est encore vrai. Et ce n’est pas une fois que Voltaire fut ainsi en alerte ; mais deux fois, mais trois fois. Voyez à la Correspondance. (G. A.)