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NICODON

Soit.

LAURE.

Ne présumez pas qu’on sortant du collège,
On ait de parler seul accpiis le privilège,
Ni que ce soit toujours au beau pays latin
Qu’on puise un grand savoir, qu’on a l’esprit très-fin
On peut l’avoir très-faux : c’est à son verbiage
Qu’on reconnaît d’abord un fâcheux personnage,
Qui se fait sottement mépriser ou haïr
De ceux dont les bontés ont daigné l’accueillir [1].
Faut-il vous répéter un conseil salutaire ?
Observez, écoutez, sachez longtemps vous taire.

NICODON

C’est en vous écoutant que je veux être instruit.

LAURE.

Il y parait !

NICODON

Dans peu vous en verrez le fruit.

LAURE.

Vous le dites du moins, j’en accepte l'augure ;
Mais l’art ne peut toujours corriger la nature.
Votre oncle, par exemple, est vieux, et cependant
Est-il moins qu’autrefois orgueilleux et pédant ?
Jamais de ses défauts rien n’a pu le défaire,
S’il sait en imposer, et surtout au vulgaire.
C’est pure hypocrisie ; il faut, pour être beureux,
Se former sur des gens plus vrais, plus vertueux.
Si mon futur époux s’en rapporte à mon zèle,
Je peux lui proposer un excellent modèle.
L’opposé de votre oncle,

NICODON

Et c’est… ?

LAURE.

C’est Ariston.
Ah ! si vous acquériez ses manières, son ton.
Dès lors jamais d’ennui, de froideur en ménage.
Et l’on vous aimerait cbaque jour davantage.
En dépit du beau tour qu’il croyait nous jouer,
Cet homme, malgré lui, me force à le louer.

  1. Ces vers s’appliquent à merveille au jeune Linant. (G. A.)