D’avoir, par vos conseils, engagé mon époux
A jeter dans le feu l’injurieux libelle
Dont hier, en secret, un flatteur infidèle
Avait voulu, sous main, rallumer son courroux
Contre le vieux Ergaste, en procès avec nous.
Eh ! madame, eu cela quelle était donc ma gloire
J’ai trop facilement gagné cette victoire :
L’ouvrage était si plat, si dur, si mal écrit !
Sans doute il fut forgé par quelque bel-esprit,
Quekiue bas écrivain dont la main mercenaire
Va vendre au plus vil prix son encre et sa colère [1].
Ah ! morbleu ! c’était moi… Connaîtrait-il l’auteur ?
Fuyons ! je suis rempli de honte et de fureur.
Vous ne connaissez pas ce misérable ouvrage ?
Moi ?
Je souhaiterais qu’on pût guérir la rage
De ces lâches esprits tout remplis de venin.
Oui.
Qui, toujours cachés, bravent le genre humain ;
De ces oiseaux de nuit que la lumière irrite,
De ces monstres formés pour noircir le mérite.
Que je les hais, monsieur !
Vous avez bien raison.
Sortons.
Eh non, mon oncle.
Écoutez, Nicodon ;
Gardez-vous pour jamais de ces traîtres cyniques.
- ↑ Voltaire fait allusion ici au libelle que Desfontaines avait écrit contre lui en sortant de Bicêtre, et que Thiériot fit mettre au feu. Voyez la Correspondance à cette époque. (G. A.)