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Alvarès.

Ah mon fils ! Tes vertus égalent ton courage.

Alzire.

Quel changement, grand dieu, quel étonnant langage !

Zamore.

Quoi, tu veux me former moi-même au repentir !

Gusman.

Je veux plus, je te veux forcer à me chérir.
Alzire n’a vécu que trop infortunée,
Et par mes cruautés, et par mon hyménée.
Que ma mourante main la remette en tes bras.
Vivez sans me haïr, gouvernez vos états :
Et de vos murs détruits rétablissant la gloire,
De mon nom, s’il se peut, bénissez la mémoire.

à Alvarès.

Daignez servir de père à ces époux heureux :
Que du ciel par vos soins le jour luise sur eux !
Aux clartés des chrétiens si son âme est ouverte,
Zamore est votre fils, et répare ma perte.

Zamore.

Je demeure immobile, égaré, confondu,
Quoi donc les vrais chrétiens auraient tant de vertu !
Ah ! La loi qui t’oblige à cet effort suprême,
Je commence à le croire, est la loi d’un dieu même.
J’ai connu l’amitié, la constance, la foi :
Mais tant de grandeur d’âme est au-dessus de moi,
Tant de vertu m’accable et son charme m’attire,
Honteux d’être vengé, je t’aime et je t’admire.

(il se jette à ses pieds.)


Alzire.

Seigneur, en rougissant je tombe à vos genoux,
Alzire en ce moment voudrait mourir pour vous,
Entre Zamore et vous mon âme déchirée,
Succombe au repentir dont elle est dévorée.
Je me sens trop coupable, et mes tristes erreurs…

Gusman.

Tout vous est pardonné, puisque je vois vos pleurs.