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! Quoi c’est donc lui que j’ai quitté pour toi !
Émire, suis ses pas, vole, et reviens m’instruire,
S’il est en sûreté, s’il faut que je respire.
Va voir si ce soldat nous sert, ou nous trahit,

(Émire sort.)

Un noir pressentiment m’afflige et me saisit,
Ce jour, ce jour pour moi ne peut être qu’horrible.
Ô toi ! Dieu des chrétiens, Dieu vainqueur et terrible,
Je connais peu tes lois. Ta main du haut des cieux,
Perce à peine un nuage épaissi sur mes yeux :
Mais si je suis à toi, si mon amour t’offense,
Sur ce cœur malheureux épuise ta vengeance.
Grand dieu, conduis Zamore, au milieu des déserts,
Ne serais-tu le dieu que d’un autre univers ?
Les seuls européens sont-ils nés pour te plaire ?
Es-tu tyran d’un monde, et de l’autre le père !
Les vainqueurs, les vaincus, tous ces faibles humains,
Sont tous également l’ouvrage de tes mains.
Mais de quels cris affreux mon oreille est frappée !
J’entends nommer Zamore. ô ciel ! On m’a trompée.
Le bruit redouble, on vient, ah ! Zamore est perdu.



Scène 6



Alzire, Émire.



Alzire.

Chère Émire, est-ce toi ? Qu’a-t-on fait,
Qu’as-tu vu ?
Tire-moi par pitié de mon doute terrible.

Émire.

Ah ! N’espérez plus rien, sa perte est infaillible,
Des armes du soldat qui conduisait ses pas
Il a couvert son front, il a chargé son bras.
Il s’éloigne : à l’instant, le soldat prend la fuite,
Votre amant au palais, court, et se précipite ;
Je le suis en tremblant parmi nos ennemis,
Parmi ces meurtriers dans le sang endormis,