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Ainsi le veut la loi : quitter l’idolâtrie
Est un titre en ces lieux pour mériter la vie :
À la religion gagnons les à ce prix :
Commandons aux cœurs même et forçons les esprits ;
De la nécessité le pouvoir invincible
Traîne aux pieds des autels un courage inflexible.
Je veux que ces mortels, esclaves de ma loi,
Tremblent sous un seul dieu, comme sous un seul roi.

Alvarès.

Écoutez-moi, mon fils, plus que vous je désire
Qu’ici la vérité fonde un nouvel empire,
Que le ciel et l’Espagne y soient sans ennemis,
Mais les cœurs opprimés ne sont jamais soumis ;
J’en ai gagné plus d’un, je n’ai forcé personne,
Et le vrai Dieu, mon fils, est un dieu qui pardonne.

Gusman.

Je me rends donc seigneur et vous l’avez voulu,
Vous avez sur un fils un pouvoir absolu ;
Oui, vous amolliriez le cœur le plus farouche,
L’indulgente vertu parle par votre bouche.
Eh bien, puisque le ciel voulut vous accorder
Ce don, cet heureux don de tout persuader,
C’est de vous que j’attends le bonheur de ma vie ;
Alzire contre moi par mes feux enhardie,
Se donnant à regret, ne me rend point heureux.
Je l’aime, je l’avoue, et plus que je ne veux ;
Mais enfin je ne peux, même en voulant lui plaire,
De mon cœur trop altier fléchir le caractère,
Et rampant sous ses lois, esclave d’un coup d’œil,
Par des soumissions caresser son orgueil.
Je ne veux point sur moi lui donner tant d’empire,
Vous seul, vous pouvez tout sur le père d’Alzire,
En un mot, parlez-lui pour la dernière fois ;
Qu’il commande à sa fille et force enfin son choix.
Daignez… mais c’en est trop, je rougis que mon père
Pour l’intérêt d’un fils s’abaisse à la prière.

Alvarès.

C’en est fait, j’ai parlé, mon fils, et sans rougir
Montèze a vu sa fille, il l’aura su fléchir ;