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ACTE I, SCÈNE I. 325

Brutus tiendra bientôt un diiïérent langage, Quand il aura connu de quel sang il est né. Crois-moi, le diadème, à son front destiné, Adoucira dans lui sa rudesse im[)ortune ; il changera de mœurs en changeant de fortune, La nature, le sang, mes bienfaits, tes avis, Le devoir, Tintérét, tout me rendra mon fils.

ANTOINE.

J’en doute, je connais sa fermeté farouche :

La secte dont il est n’admet rien qui la touche.

Cette secte intraitable, et qui fait vanité^

D’endurcir les esprits contre riiumaiiité,

Oui dompte et foule aux pieds la nature irritée,

l*arle seule <i Brutus, et seule est écoutée.

Ces préjugés alfreux, (|u’i]s ai)pellent devoir,

Ont sur ces co’urs de bronze un absolu pouvoir,

Caton même, Caton, ce malheureux sloïque.

Ce lu’ros forcené, la victime d’Ltique,

Qui, fujant un pardon qui l’eût humilié,

Préféra la mort même à ta tendre amitié ;

Caton fut moins altier, moins dur, et moins à craindre

Que l’ingrat qu’à t’aimer ta bonté veut contraindre.

CÉSAR.

Cher ami, de quels coups tu viens de me frapper ! Que m’as-tu dit ?

ANTOINE.

Je t’aime, et ne te puis tromper.

CÉSAR.

Le temps amollit tout.

Quoi ! sa haine.

ANTOINE.

Mon cœur en désespère.

CÉSAR.

ANTOINE.

Crois-moi.

CÉSAR.

N’importe, je suis père. J’ai chéri, j’ai sauvé mes plus grands ennemis :

i. L’abl)6 Dcsfontaiocs appliquait ces vers aux quakers ; sous la République, on les appliqua aux jacobins. Comparez ce passage au portrait que César fait de Cas- sius à Antoine dans le premier acte du Jules César de Shakespeai-c. (G. A.)