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Et que ton interêt m’attache à l’Italie
Quaiid la gloire t’appelle aux bornes de l’Asie ;
Je m'afflige ciicor plus de voir que ton grand cœur
Doute de sa fortune, et présage un malheur :
Mais je ne comprends point ta bonté qui m’outrage.
César, que me dis-tu de tes fils, de partage ?
Tu n’as de fils qu’Octave, et nulle adoption
N’a d’un autre César appuyé ta maison.

CÉSAR.

Il n’est plus temps, ami, de cacher l’amertume
Dont mon cœur paternel en secret se consume :
Octave n’est mon sang qu’à la faveur des lois ;
Je l’ai nommé César, il est fils de mon choix :
Le destin (dois-je dire ou propice, ou sévère ?)
D’un véritable fils en elfet m’a fait père ;
D’un fils que je chéris, mais qui, pour mon malheur,
A ma tendre amitié répond avec horreur.

ANTOINE.

Et quel est cet enfant ? Quel ingrat peut-il être
Si peu digne du sang dont les dieux l’ont fait naître ?

CÉSAR.

Écoute : tu connais ce malheureux Brutus,
Dont Caton cultiva les farouches vertus.
De nos antiques lois ce défenseur austère,
Ce rigide ennemi du pouvoir arbitraire.
Qui toujours contre moi, les armes à la main,
De tous mes ennemis a suivi le destin ;
Qui fut mon prisonnier aux champs de Thessalie ;
A qui j"ai malgré lui sauvé deux fois la vie ;

Né, nourri loin de moi chez mes fiers ennemis…

ANTOINE,

Brutus ! il se pourrait…

CÉSAR.

Ne m’en crois pas ; tiens, lis.

ANTOINE.

Dieux ! la sœur de Caton, la fière Servilie !

CÉSAR.

Par un hymen secret elle me fut unie.
Ce farouche Caton, dans mos premiers débats,
La fit presque à mes yeux passer en d’autres bras :
Mais le jour qui forma ce second hyménée
De son nouvel époux trancha la destinée.