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A.M. L’ABHK F R AXCiri Xf. 3ii>

monts. Que no doit-on pas attendre de rauteur de Brulus et de la Ilen- riade ? La scène de la conspiration me paraît des plus belles et des plus fortes ([u’on ait encore vues sur le théâtre ; elle fait voir en action ce (|ui jusqu’à présent ne s’était prescjue toujours passé (pi’en récit.

Segnius irritant aniiiios demissa per anros ’ Qiiam qiiaî sunt oculis subjecta fidelibus, et qua ; Ipse sibi tradit spectator. . .

La mort même de César se passe presque à la vue des spectateurs, ce qui nous épargne un récit qui, quelque beau qu’il fût, ne pourrait (|u’être froid, les événements et les circonstances qui l’accompagnent étant trop connus de tout le monde.

Je ne puis assez admirer combien cette tragédie est pleine de clioses, et combien les caractères sont grands et soutenus. Quel prodigieux contraste entre César et Brutus ! Ce (}ui d’ailleurs rend ce sujet extrêmement difficile à traiter, c’est l’art qu’il faut pour peindre d’un côté Brutus avec une vertu féroce à la vérité, et pres(}ue ingrat, mais ayant en main la bonne cause, au moins selon les apparences et par ia|)port au temjjs oîi lauteur nous transporte ; et de l’autre, César rempli de clémence et des \ertus l(>s plus aimables, mais voulant opprimer la libiM’lé de sa patrie. Il faut s’intéresser également pour tous les deux i)endant le cours de la pièce, (juoiqu’il send)le que ces passions doivent s’entre-nuire et se détruire réciproquement, comme feraient doux forces égales et opposées, et par conséqueni n(> produire aucun effet et renvoyer les spectateurs sans agitation.

Ce sont ces réflexions qui ont fait dire ; i un homme du mc’lier’^ qu’il re- gardait ce sujet comme l’écueil des poètes tragiques, et qu’il l’aurait pro- posé volontiers à quelqu’un de ses rivaux.

Il semble que M. de Voltaire, non content de ces ditriculfés, en ait voulu faire naître de nouvelles en faisant Brutus fils de César, ce qui d’ailleurs est fondé sur l’histoire. Il a aussi trouvé par là le moyen de se ménager de très- belles situations, et de jeter dans sa pièce un nouvel intérêt, qui se réunit tout entier à la fin pour César. La harangue d’Antoine produit cet effet ; et elle est, à mon avis, un modèle de l’éloquence la plus séduisante : enfin, je crois que l’on i)eut dire avec vérité que M. de Voltaire a ouvert une nou- velle carrière, et qu’il a adcinl le but en même temps.

i. Horace, Art poétique, vers 180-182.

2. M. Martelli, qui a écrit beaucoup de tragédies en italien. Il s’est servi d’une nouvelle espèce de vers viniés qu’il avait imaginée d’après les vers alexandrins. Cette nouveauté n’a pas été favorable à ses pièces. [Note de Lamare.)