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AVERTISSEMENT. 301

« Oh ! ce n’est pas ainsi que le poëto anglais s’y prend pour donner une ànie à la foule et compléter le drame avec des personnages sans nom. Voici son peuple romain, après le discours de Hrulus :

TOtS.

Vive, vive Brutiis !

PnF. MIEH PLÉltÉlEX.

Conduisez-le en triompiie à sa maison.

DEUXIÈME PLÉBÉIEN.

Donnez-liii une statue parmi ses ancùtres !

TROISIÈAIE PLÉBÉIEN.

Faisons-le César !

« Faire Brutus César ! voilà désormais comment la répu])li([ue est comprise, comment la liberté est reçue par le peuple romain. Sa reconnaissance n’a plus d’autre hommage que sa servitude.

« Cependant, autorisé et appelé par Brutus, en mémoire deCésar, Antoine monte à la tribune. On s’écrie autour de lui :

Ce César était un tyran ! nous sommes heureux d’en ôtre délivrés…. Écoutons Antoine.

ANTOINE

Amis, Romains, compatriotes, écoutez-moi. Je viens pour inhumer César et non pour le louer. Le mal que font les hommes leur survit ; le bien reste enseveli sou- vent avec leurs cendres. Qu’il en soit ainsi pour César. Le noble Brutus vous a dit que César était ambitieux : si cela était, c’était une grande faute, et César en a grandement porté la peine.

« Je l’avoue, le sublime de l’art me paraît, cette fois encore, du côté de Shakespeare. Voici le début d’Antoine dans Voltaire :

Oui, je l’aimais, Romains ; Oui, j’aurais de mes jours prolongé ses destins. Hélas ! vous avez tous pensé comme moi-même ; Et lorsque, de son front étant le diadème, Ce héros à vos lois s’immolait aujourd’liui. Qui de vous, en effet, n’eut expiré pour lui ?

« Antoine, dans Shakespeare, me paraît d’abord plus touchant et plus simple. Puis il s’anime. Il rappelle les exploits de César, la couronne trois fois offerte, trois fois refusée. Était-ce de l’ambition ? En parlant ainsi, Antoine se trouble, verse des larmes ; et, pendant qu’il s’arrête, le peuple raisonne à sa manière.

UN PLÉBÉIEN.

Remarquez-vous ces paroles ? César ne voulut pas prendre la couronne : donc il est certain qu’il n’était pas ambitieux.

« Admirable logique !