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j’entends un bruit extravagant dans cette hôtellerie ; je vois arriver des chevaux, des chaises : c’est mon frère, sans doute. Quel brillant équipage ! et quelle différence la fortune met entre les hommes ! Ses valets vont bien me mépriser.

TRIGAUDIN.

C’est selon que monsieur le comte vous traitera : les valets ne sont pas d’une autre espèce que les courtisans ; ils sont les singes de leurs maîtres.


Scène III.

LE COMTE DE FATENVILLE, plusieurs valets,
LE CHEVALIER, TRIGAUDIN, MERLIN.
LE COMTE.

Ah ! quel supplice que d’être six heures dans une chaise de poste ! on arrive tout dérangé, tout dépoudré.

LE CHEVALIER.

Mon frère, je suis ravi de vous…

TRIGAUDIN.

Monsieur, vous allez trouver dans ce pays-ci…

LE COMTE.

Holà ! hé ! qu’on m’arrange un peu ; foi de seigneur, je ne pourrai jamais me montrer dans l’état où je suis.

LE CHEVALIER.

Mon frère, je vous trouve très-bien, et je me flatte…

LE COMTE, à ses gens.

Allons donc un peu ! un miroir, de la poudre d’œillet, un pouf, un pouf… Hé ! bonjour, monsieur Trigaudin, bonjour. Mlle de la Canardière me trouvera horriblement mal en ordre. (À l’un de ses gens.) Mons du Toupet, je vous ai déjà dit mille fois que mes perruques ne fuient point assez en arrière ; vous avez la fureur d’enfoncer mon visage dans une épaisseur de cheveux qui me rend ridicule, sur mon honneur. Monsieur Trigaudin, à propos… (Au chevalier.) Ah ! vous voilà, Chonchon.

LE CHEVALIER.

Oui, et j’attendais le moment…

LE COMTE.

Monsieur Trigaudin, comment trouvez-vous mon habit de noces ? L’étoffe m’a coûté cent écus l’aune.