Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome3.djvu/230

Cette page n’a pas encore été corrigée

1

2Î0 LE DUC DE FOIX.

ÉMAR.

Soi^nonr, dans nn sort si contraire,

  • Rendez grâces au ciel de ce qu’il a permis
  • Que vous soyez tombé sous de tels ennemis,

Non sous le joug aiïreux d’une main étrangère.

VAMIR.

Qu’il est dur bien souvent d’être aux mains de son frère !

ÉMAR.

Mais ensemble élevés, dans des temps i)lus beureux, La plus tendre amitié vous unissait tous deux.

VAMIK.

11 m’aimait autrefois, c’est ainsi qu’on commence ; Mais bientôt l’amitié s’envole avec l’enfance : Il ne sait pas encor ce qu’il me fait souflVir, Et mon cœur déchiré ne saurait le haïr,

ÉMAR.

Il ne soupçonne pas qu’il ait en sa puissance Un frère infortuné qu’animait la vengeance.

VAMIR.

Non, la vengeance, ami, n’entra point dans mon cœur ;

Qu’un soin trop différent égara ma valeur !

Juste ciel ! est-il vrai ce que la renommée

Annonçait dans la France à mon àme alarmée ?

Est-il vrai qu’Amélie, après tant de serments,

Ait violé la foi de ses engagements ?

Et pour qui ? juste ciel ! ô comble de l’injure !

nœuds du tendre amour ! ô lois de la nature !

Liens sacrés des cœurs, êtes-vous tous trahis ?

Tous les maux dans ces lieux sont sur moi réunis.

Frère injuste et cruel !

ÉMAR.

Vous disiez qu’il ignore Que parmi tant de biens qu’il vous enlève encore, Amélie en effet est le plus précieux ; Qu’il n’avait jamais su le secret de vos feux.

VAMIR.

Elle le sait, l’ingrate ; elle sait que ma vie Par d’éternels serments à la sienne est unie ; Elle sait qu’aux autels nous allions confirmer Ce devoir que nos cœurs s’étaient fait de s’aimer, Quand le Maure enleva mon unique espérance : Et je n’ai pu sur eux achever ma vengeance !