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cet aveu chez le commissaire, ni par aucun traitement rigoureux, ni par la moindre menace. Ils ont confessé le crime le plus vraisemblable, le plus ordinaire : car est-il quelque chose de plus commun que de voir des usuriers escrocs ? Et on oserait encore accuser un maréchal de camp du crime le plus rare, le plus extravagant, le plus ridicule, le plus impossible, d’avoir emprunté cent mille écus en or des pauvres habitants d’un galetas, pour avoir le plaisir de les faire pendre !

Les avocats ont osé dire que cet aveu ne vaut rien chez un commissaire, parce que Du Jonquay avait reçu un coup de poing chez un procureur. Il semblait, à les entendre, que quatre bourreaux eussent mis Du Jonquay et la Romain à la question ordinaire et extraordinaire. Cent mille personnes dans Paris étaient persuadées que la police avait torturé pendant sept heures, et presque jusqu’à la mort, un homme destiné à être conseiller au parlement, et Mme Romain, sa mère, pour leur escroquer cent mille écus, dont les voleurs privilégiés, qui siègent dans les antres de la police, partageaient le profit avec M. de Morangiés, maréchal de camp des armées du roi. Ce nuage de mensonges absurdes, de calomnies grossières, est enfin dissipé, et peut-être pour en reproduire bientôt quelque autre plus ridicule encore et plus funeste.

Mais, messieurs, quand une fois la vérité a paru aux yeux des sages, dans quelque genre que ce puisse être, il n’est plus possible de la détruire. On ne peut plus ôter l’honneur à la maison de Morangiés, on ne peut que la ruiner.

Je suis, etc.

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LETTRE IV[1]

À Ferney, 8 septembre 1773.

MESSIEURS,

Permettez-moi de joindre mes acclamations et celles de mon neveu, M. de Florian, aux vôtres.

Il eût été honteux à jamais pour la France qu’une horde infâme d’usuriers escrocs eût accablé en justice la vertu d’un maréchal de camp qui a servi la patrie avec honneur, ainsi que tous ses ancêtres.

  1. }}Cette quatrième lettre est le chant de victoire. Elle parut quelques jours après l’arrêt du parlement en faveur de Morangiés.