Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome29.djvu/84

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

preuve par écrit. Il ne s’agit donc plus de considérer laquelle doit prévaloir. Or quel est le plus probable, ou qu’un gentilhomme fasse ses billets à des entremetteurs avant de recevoir son argent, ce qui est d’un usage très-commun, ou qu’une famille entière signe librement son crime et sa perte, si elle n’était pas coupable, ce qui n’est jamais arrivé ?

13° La lettre même des sœurs de Du Jonquay au magistrat de la police, qu’on a eu l’absurdité de faire valoir, et qui n’est qu’une preuve incontestable du crime de la famille. Car ces sœurs seraient-elles venues chez un délégué de la police le supplier de les aider à obtenir la grâce de leur frère, si elles n’avaient pas su que ce frère était coupable ? Et ce délégué leur aurait-il laissé la minute de cette lettre, s’il avait voulu les tromper ?

14° La publicité que la Véron prêtait par des entremetteuses de petites sommes sur gages, qu’elle subsistait de ce commerce infâme : ce qui prouve que cette maison était un repaire d’usure et d’escroquerie.

15° La certitude que la Véron avait vendu depuis peu une rente de six cents livres : ce qu’elle n’aurait pas fait dans une extrême vieillesse, si elle avait eu alors cinq cent mille francs de bien qu’on lui attribue.

16° Le testament aussi vicieux qu’absurde qu’on a fait signer à la Véron mourante, testament qui est un vrai plaidoyer, testament dans lequel elle contredit tout ce qu’on lui avait fait dire auparavant. Elle avait assuré qu’elle n’avait que ces cent mille écus prétendus, et, par cet acte, elle avait possédé plus de cinq cent mille livres.

17° Le comte de Morangiés traîné en prison pour avoir suborné des témoins, déclaré innocent par le premier juge, et cependant prisonnier encore.

18° Le chirurgien Ménager enfermé dans un cachot par ordre du même juge, parce qu’un des témoins de Du Jonquay était, le 23 septembre 1771, entre les mains de ce chirurgien : parce que ce témoin vérolé avait ce jour-là le corps frotté de mercure, la tête enflée, la langue pendante, et la mort entre les dents ébranlées ; parce que ce vérolé avait osé dire qu’il avait vu ce jour-là même dans les rues Du Jonquay portant cent mille écus à pied, et que ce chirurgien, interrogé, avait répondu qu’il était difficile qu’un vérolé, dans cet état, pût se promener dans Paris.

19° La déposition précise d’un compagnon de ce vérolé, qui jouait aux cartes avec lui dans le temps même que ce malheu-