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séparément qu’ils ont menti, et qu’ils n’ont jamais donné cent mille écus au comte de Morangiés. On les transfère alors chez un commissaire ; ils signent leur délit l’un après l’autre. Le fils dit à sa mère : « Ma mère, je viens de déclarer la vérité, » Elle lui répond : « Tu l’as dite, mon fils ; tu aurais bien fait de la dire plus tôt. » Le commissaire, son clerc, l’inspecteur Dupuis, entendent cet aveu, et il est consigné au procès. Tout étant ainsi avéré, et juridiquement constaté, on mène les deux coupables au Fort-l’Évêque. Ils confirment leur aveu dans la prison[1].

Du Jonquay, dès le lendemain, écrit à un homme qui était son conseil, et qui était dépositaire des billets :

« MONCIEUR,

« La malheureuse afaire ou je suis plongé m’a réduit ainsi que ma chère mère ès prisons du Fort l’Évéque, nous fûmes arrêté yere par ordre du roi. Si vous voulé nous secondé pour nous en tirer, il faut que vous ayez la bonté de remettre au porteur les effets que je vous ait confié, lesquelles dits éfets j’ay promire à moncieur Dupuy de lui faire pacer au plus tard à dix heures du matin, d’après la parolle que j’ai donné je vous cerai obligé de me mettre à même de la mettre à exécution, comme aussi je vous prie moncieur de cecer toute poursuite et aussitôt que nous aurons nôtre liberté nous aurons l’honneur de vous marquer nôtre reconnaissance au sujet de tous les soins que vous vous êtes donné.

« J’ai l’honneur d’être.

« Moncieur,

« Votre très-humble et très-obéissant serviteur,

« DU JONQUAY.

« Ma chère mère a l’honneur de vous assurer de ses respects.

« Du Forlevesque, ce 1er octobre 1771. »

  1. C’est ce que rapporte l’avocat de M. le comte de Morangiés, dans son dernier mémoire intitulé Supplément. Si le fait est vrai, comme il n’est pas permis d’en douter, il est démontré que les Du Jonquay sont coupables, et que le comte de Morangiés est innocent. Tout devait finir là : mille procédures, mille sentences, ne peuvent affaiblir une démonstration. (Note de Voltaire.)