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pas encore ? N’était-ce pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué[1] ? Enfin, messieurs les juifs, votre jubilé était si peu convenable qu’aucune nation n’a voulu l’adopter ; vous-mêmes vous ne l’avez jamais observé, il n’y en a aucun exemple dans vos histoires. L’Irlandais Usserius a compté le premier jubilé 1395 ans avant notre ère vulgaire, qui n’est pas la vôtre ; mais il n’a pu trouver dans vos livres l’exemple d’un seul homme qui soit rentré dans son héritage en vertu de cette loi.

Nous avons un jubilé aussi nous autres ; il est charmant, il est tout spirituel ; c’est le bon pape Boniface VIII qui l’institua, peu de temps après avoir fait venir par les airs la maison de Notre-Dame de Lorette. Ceux qui ont dit que Boniface VIII entra dans l’évêché de Rome comme un renard, s’y comporta comme un loup, et mourut comme un chien, étaient des grands hérétiques. Quoi qu’il en soit, notre jubilé est autant au-dessus du vôtre que le spirituel est préférable au temporel. Cette loi du jubilé prouve clairement que la nation juive était une petite horde barbare : toute grande société est fondée sur le droit de propriété.

II. — Lois militaires.

Vous vantez, messieurs les juifs, l’humanité noble de vos lois militaires ; elles étaient dignes d’une nation établie de temps immémorial dans le plus beau climat de la terre, Vous dites d’abord qu’il vous était ordonné de payer vos vivres quand vous passiez par les terres de vos alliés, et de n’y point faire de dégât.

Je crois bien qu’on fut obligé de vous l’ordonner, supposé encore que vous eussiez des alliés dans des déserts où il n’y eut jamais de peuplade.

Vous ne pouviez, dites-vous[2], prendre les armes que pour vous défendre ; cela est si curieux, qu’ayant jusqu’à présent négligé de citer les pages de votre livre, que tout le monde doit savoir par cœur, j’en prends la peine cette fois-ci.

En effet, messieurs, lorsque vous allâtes, à ce que vous me dites, faire sept fois le tour de Jéricho dont vous n’aviez jamais entendu parler, faire tomber les murs au son du cornet à bouquin, massacrer, brûler femmes, filles, enfants, vieillards, animaux, c’était pour vous défendre !

  1. La Fontaine, livre V, fable xx.
  2. Page 43, tome III. (Note de Voltaire.)