Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome29.djvu/566

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

claves vigoureux, à élever des tombeaux en pyramides pour leurs rois et pour les intendants des provinces. Il est très-vrai, monsieur ou messieurs, que les Égyptiens sont devenus le plus chétif peuple de la terre après un autre[1].

Il est très-vrai qu’il a toujours été subjugué par quiconque s’est voulu donner la peine de le battre, excepté par nos fous de croisés. Il est très-vrai qu’Isis et Osiris ne leur ont jamais servi de rien, non plus que les phylactères des pharisiens ne les ont servis contre les Romains. Il est très vrai que Sésostris[2] n’a jamais songé à courir comme un fou, avec vingt-sept mille chars de guerre, pour aller conquérir toute la terre depuis les Indes jusqu’au Pont-Euxin et au Danube.

IXe NIAISERIE.
si sodome fit autrefois un beau jardin.

N’est-ce pas une niaiserie de supposer que le lac Asphaltite, la mer Morte, était autrefois un jardin délicieux ? Vraiment, je vous conseille d’y placer le paradis terrestre.

Vous devriez mieux savoir votre Genèse : elle ne dit point que Sodome fut changée en un lac ; elle dit au contraire « qu’Abraham, s’étant levé de grand matin, vint au lieu où il avait été auparavant avec le Seigneur ; et, jetant les yeux sur Sodome et sur Gomorrhe, et sur tout le pays d’alentour, il ne vit plus rien que des étincelles et de la fumée qui s’élevait de la terre comme la fumée d’un four ». Ce n’est que par une fausse tradition qu’on nous a transmis la métamorphose des cinq villes en lac. Ce que je vous dis là n’est pas niaiserie ; je vous témoigne mon profond respect pour vos livres en les citant exactement, et c’est ce que vous n’avez pas fait.

Xe NIAISERIE.
sur le désert de guérar ou gérar.

Voulez-vous, messieurs, que nous fassions ensemble un petit voyage au désert effroyable de Guérar, par delà Sodome ? M. Broukana[3], qui a passé par là dans la dernière guerre contre le cheik

  1. Les Juifs.
  2. Voyez tome XI, page 61 ; et XXV, 52.
  3. Voyez tome XIX, page 511.