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Ce n’est qu’après ces paroles qu’il est dit : « Vous n’adorerez point cela ; vous n’adorerez ni le ciel, ni la terre, ni l’eau : car je suis le Dieu fort, le Dieu jaloux[1]. »

Si, après cet ordre si précis, Moïse lui-même érigea un serpent d’airain, il semble qu’il se dispensa de sa loi. Si le roi Ézéchias fit brûler ce serpent comme un monument d’idolâtrie, il paraît qu’il fut bien ingrat envers un animal qui avait guéri ses ancêtres mordus par de vrais serpents dans le désert. Il faut demander ce qu’on en doit penser aux chanoines de Milan, qui ont ce serpent d’airain dans leur église.

XXIV. — De Jephté.

Vous avez beau faire, monsieur ou messieurs, vous ne ferez jamais accroire à personne qu’on doive entendre dans votre sens ces paroles de Jephté aux Ammonites[2] : « Ce que votre dieu Chamos vous a donné ne vous appartient-il pas de droit ? Souffrez donc que nous prenions ce que notre dieu s’est acquis. » Vous croyez qu’elles signifient : Ce que vous prétendez qu’on vous a donné ne vous appartient-il pas ? Donc tout nous appartient.

Ne tordons point les textes, ne dénaturons point le sens des paroles. C’est un pot à deux anses, dit un grave auteur, chacun tire à soi : le pot se casse, les disputants se jettent les morceaux à la tête.

XXV. — De la femme à Michas.

Non, vous ne ferez jamais accroire à personne que la femme à Michas[3] ait bien fait d’acheter des idoles, et de payer un chapelain d’idoles ; que la tribu de Dan, n’ayant point assez pillé dans le pays, ait bien fait de voler les idoles et le chapelain de la femme à Michas ; et que le chapelain ait bien fait de bénir cette tribu de voleurs quand elle eut ravagé je ne sais quel village qu’on nommait, dit-on, Laïs (beau nom chez les Grecs) ; qu’un petit-fils du divin Moïse, nommé Jonathan, ait bien fait d’être grand aumônier des idoles de ces voleurs. Un petit-fils de Moïse ! juste Dieu ! premier chapelain d’une tribu idolâtre ! C’est bien pis que de soutenir, dans un village auprès d’Utrecht[4], que les cinq

  1. Chapitre xx, verset 5.
  2. Juges, chapitre xi, page 24.
  3. Voyez, dans les Juges, l’histoire de la femme à Michas. (Note de Voltaire.) — Voltaire la raconte tome XXV, page 73.
  4. Voyez page 507.