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puisse réduire l’or en poudre : ce métal si prodigieusement ductile se fond, se liquéfie. Mais que dans le désert effroyable d’Oreb, où il n’y a jamais eu d’arbres, on ait trouvé une assez énorme quantité de bois pour fondre un gros veau, un bœuf d’or, et pour le pulvériser, cela est impossible à l’industrie humaine. Je dis gros veau, je dis gros bœuf, parce qu’il est écrit que Moïse l’aperçut en s’approchant du camp ; parce que dans ce camp, composé de deux cent trente mille combattants, il y avait entre deux et trois millions de Juifs et de Juives ; parce que si Moïse, n’étant pas dans le camp, put voir tout d’un coup cet animal, il fallait qu’il fût bien gros, et au moins de la taille du bœuf Apis, dont il était la brillante image.

IX. — De l’or potable.

Pour accabler mon ami, vous changez le procès criminel que vous lui faites en un autre procès. Vous parlez d’or potable. On ne vous a jamais nié qu’on pût avaler de l’or, du plomb, de l’antimoine. Que ne peut-on pas avaler ? Mon ami avale les injures cruelles que vous lui dites avec des compliments, les calomnies dont vous le chargez, les accusations odieuses que vous intentez, et qui, dans d’autres temps, pourraient avoir le cruel effet de faire excommunier un honnête homme. Tandis que vous faites avaler ces pilules si amères, préparées d’une main qui n’est ni tout à fait judaïque, ni tout à fait catholique, pourquoi nous invitez-vous à vous parler d’or potable ?

Si c’est votre veau cuit sous la braise, et pulvérisé par cette braise, la chose est impossible, comme toute la terre en convient.

Si vous voulez parler de l’or potable des charlatans, c’est une question très-étrangère. L’or est indestructible. L’eau qu’on appelle régale, parce qu’on a donné à l’or le nom de roi des métaux, le dissout ; mais cette dissolution est très-caustique : vous ne prétendez pas sans doute que Moïse ait fait boire cette eau aux Israélites pour empoisonner tout le peuple de Dieu. On peut précipiter l’or de sa dissolution par un alcali ; il sera réduit en poudre ; mais il n’aura pas été brûlé, comme le dit le texte : et puis cette poudre n’est pas miscible avec l’eau.

Vous dites que Stahl, chrétien et chimiste, a fait de l’or potable, et vous citez ses opuscules (sans dire quel opuscule) dans lesquels il dit que « le sel de tartre mêlé au soufre dissout l’or au point de le réduire en poudre, qu’on peut avaler ». Je sais bien que le foie de soufre dissout l’or ; mais il ne le réduit point en