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Mais, dans quelque pays que vous fassiez vos miracles, je retiens place. Vous me direz avec La Fontaine[1] :

Voyez-vous point mon veau ? dites-le-moi.

VII. — Magnificence des Juifs, qui manquaient de tout dans le désert.

Vous nous assurez que, dans le désert affreux d’Oreb, les garçons juifs et les filles juives, qui manquaient de vêtements et de pain, avaient assez d’or à leurs oreilles pour en composer un veau ; vous faites le compte des richesses que ce peuple avait volées en Égypte ; vous aviez trouvé ci-devant environ neuf millions. Nous ne comptons pas après vous, Monsieur, et nous vous en croyons sur votre parole, sans prétendre disputer sur cet article. Vous savez que quand les Arabes volent, ils disent : Dieu me l’a donné. La troupe de Cartouche disait : Dieu merci, je l’ai gagné.

VIII. — Tout est miraculeux.

« Et lorsque Moïse fut arrivé près du camp, il vit le veau et les danses ; et, dans sa grande colère, il jeta les tables de la loi, qu’il portait dans sa main, et les brisa au pied de la montagne, et, saisissant ce veau qu’ils avaient fait, il le brûla et le réduisit en poussière, laquelle il répandit dans l’eau, et en donna à boire aux enfants d’Israël. »

C’est ici, monsieur, que je suis plus que jamais de l’opinion religieuse de mon ami, qui dit que tout doit être miraculeux dans l’histoire du peuple de Dieu, ou plutôt de Dieu même, parce qu’un Dieu ne peut parler et agir que miraculeusement. C’est donc un très-grand prodige qu’un veau d’or jeté dans le feu s’y soit converti en poudre. On vous l’a déjà dit[2], et on vous le répète ; il n’y a point de fourneau, quelque violent qu’il puisse être, fût-ce la fournaise de Sidrach, Misach, et Abdénago ; fût-ce un des feux allumés autrefois par l’Inquisition ; fût-ce le feu qui consuma le corps du respectable conseiller de grand’chambre Anne Dubourg, et la maréchale d’Ancre, et les cinquante chevaliers du Temple, et tant d’autres ; il n’y a point de feu, vous dis-je, qui

  1. Conte du Villageois qui cherche son veau.
  2. Voyez tome XIX, page 167.