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V. — Du veau d’or.

Voici une affaire à peu près aussi massacrante et plus scientifique. Mon ami, qui respecte les théologiens, et qui ne l’est point, a soutenu, d’après plusieurs Pères de l’Église, et d’après la simple raison, que tout fut miracle[1] dans la manière dont Dieu conduisit son peuple dans le désert et l’en tira ; que toutes les voies de Dieu furent autant de miracles ; que la fonte et la fabrication du veau d’or en vingt-quatre heures ; cet or jeté dans le feu, et réduit en poudre, et avalé par tout le peuple ; les vingt-trois mille hommes qui se laissent choisir et égorger sans se défendre, etc., sont d’aussi grands prodiges que tous ceux dont le Pentateuque est rempli. Sur quoi mon ami a proféré cette exclamation, qui me semble si religieuse et si convenable : « L’histoire d’un peuple conduit par Dieu même ne peut être que l’histoire des prodiges[2]. »

Commençons par vous prouver, monsieur, qu’en suivant exactement l’énoncé de la sainte Écriture, le veau d’or fut jeté en fonte en vingt-quatre heures, quoique la horde juive n’eût point d’heures encore, et soit qu’on se serve du terme d’un jour ou d’une nuit pour exprimer le temps dans lequel ce veau fut fabriqué.

« Et Moïse, entrant au milieu de la nuée, monta sur la montagne, et y demeura quarante nuits (Exode, ch. xxiv) ; et le Seigneur, ayant achevé tous ces discours sur la montagne de Sinaï, donna à Moïse son témoignage et sa loi en deux tables de pierre, écrites du doigt de Dieu. » (Ch. xxxi.)

Il paraît, monsieur, que voilà les quarante jours accomplis ; et il est clair aussi, permettez-moi de le dire, qu’on écrivait dans ce désert sur la pierre.

« Mais le peuple, voyant que Moïse différait à descendre de la montagne, s’assembla devers Aaron, et lui dit : Fais-nous des dieux qui marchent devant nous, car nous ne savons ce qui est arrivé à cet homme (Moïse) qui nous a fait sortir de la terre d’Égypte ; et Aaron leur répondit : Otez les parures oreillères de vos femmes, fils, et filles, et apportez-les-moi ; et le peuple fit comme Aaron avait commandé, et apporta les parures oreillères ; et Aaron les ayant reçues leur fit un veau avec le burin, veau

  1. Voyez tome XXVII, page 243 ; et XXX, plusieurs notes de la Bible enfin expliquée.
  2. Voyez tome XI, page 112.