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MÉMOIRE


À M. TURGOT[1]


(1776)




Le petit pays de Gex n’a que dix lieues de surface. La terre n’y rend que trois pour un, et le tiers du pays est en marécages.

Cependant, sans compter environ soixante et deux mille livres qu’il paye au roi par année en taille, capitation, vingtième, etc., il donne à la ferme générale, à commencer du 1er janvier 1776, trente mille francs. Les registres des droits du domaine se montent, année commune, à plus de vingt mille livres.

Ainsi ce pays aride et presque incultivable, de dix lieues carrées, n’ayant aucun commerce, et n’étant point soumis au droit des aides, fournit à la ferme générale cinquante mille francs par an.

Si la France, dont l’étendue est d’environ quarante mille lieues carrées, était aussi stérile que le pays de Gex, aussi privée de commerce ; si elle ne payait point d’aides, et si chaque terrain de même étendue que le pays de Gex payait à la ferme cinquante mille francs, il est clair que la ferme aurait de ce seul article deux cents millions de revenu: elle en rend au roi environ cent trente ; ses frais et son profit iraient à soixante et huit millions.

Mais le royaume étant environ trois fois plus riche, trois fois mieux cultivé, trois fois plus commerçant que le petit pays de Gex, doit probablement fournir à la ferme trois fois davantage à proportion.

  1. Dans les éditions de Kehl et dans beaucoup d’autres, ce Mémoire était imprimé dans la Correspondance, à la suite de la lettre à Turgot, du 8 janvier 1776.