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NOTE DE VOLTAIRE.

Le P. Lelong a cru que ces Observations étaient de Lesconvel le Breton[1]. Bayle en fait peu d’estime. S’il avait su qu’elles étaient du P. Daniel, il les aurait trouvées très-piquantes. Le Dictionnaire historique de Liège, composé par des ex-jésuites, dit, d’après le Dictionnaire de Caen, que Daniel avait fait précéder la publication de son histoire par un écrit de 368 pages (il se trompe en mettant 370, à moins qu’il ne parle de l’édition de 1720), intitulée Observations, etc.

Le Dictionnaire de Caen ajoute : « L’objet de cette brochure était de rendre Mézerai suspect, odieux et méprisable aux princes, aux ministres, aux courtisans, aux gens de robe, au haut clergé, aux religieux, aux financiers, aux femmes ; et, en le décréditant auprès de tous les gens qui lisent, de le reléguer dans les antichambres. Ce projet ne réussit point ; mais il prouva aux juges impartiaux que Mézerai était souvent inexact, et se livrait quelquefois à ses préventions et à son humeur. »

L’ex-jésuite de Liège omet tout cela et dit : « Le père Daniel a fait précéder la publication de son Histoire de France par ce livre des Observations critiques, où il montre combien l’histoire de Mézerai est défectueuse et de combien de préventions cet auteur avait infecté ses récits. »

Le P. Daniel se proposait de donner son histoire de France, dont le but principal est de persuader adroitement, et comme par les faits, que plusieurs rois de France ont été illégitimes, et souvent même adultérins. Par là, il voulait plaire à Louis XIV, qui voulait faire pour ses bâtards ce qu’il n’a pu réussir à faire, c’est-à-dire à les élever tôt ou tard à la couronne. On ne lit guère l’histoire de France dans les sources ; mais on lisait Mézerai : il fallait donc arracher ce livre des mains du public[2]. Voilà l’objet de ces Observations, où le jésuite montre un grand respect pour les grands, pour les dames, etc. Voyez sur l’histoire du P. Daniel les Mémoires de Saint-Simon, et vous trouverez que ce père a confirmé ce que disait le comte de Boulainvilliers, qu’il

  1. Historien et, romancier, né vers 1650, mort à Paris en 1722.
  2. Le livre anonyme du père Daniel parut entre la première partie de son histoire et la seconde. Un long intervalle sépara ces deux publications. La première avait médiocrement réussi ; il était bon de mieux préparer le succès de l’autre en détruisant ses devanciers. ( A. F.)