La publication de ces Remarques de Voltaire est presque un petit roman. L’ouvrage anonyme du père Daniel contre Mézerai, annoté de la main de Voltaire, appartenait à M. Renouard, et il fut mis en vente à la mort de ce savant libraire en 1857[2]. Il devait naturellement tenter les éditeurs des Lettres nouvelles. M. de Cayrol et celui qui écrit ceci réunirent secrètement leur bourse pour cette acquisition. Mais le livre trouva de nombreux et surtout de riches enchérisseurs, entre autres un docte étranger, un membre de la Chambre des lords, admirateur éclairé de nos grands écrivains. Que pouvaient dans une enchère deux littérateurs, même associés, contre un pair des trois royaumes ?
Nous eûmes beau dépasser, dans la chaleur de la lutte, le maximum que nous avions fixé à notre passion littéraire ; l’enchère fut poussée bien au delà, et nous eûmes le dépit d’entendre prononcer en faveur d’un autre le mot fatal adjugé ! Nous avions poursuivi une conquête impossible. Après la vente, l’agent du noble pair nous dit, pour nous consoler, qu’il avait des pouvoirs illimités.
Il fallut donc renoncer aux Remarques inédites sur le livre du père Daniel. Toutefois on fit des démarches pour en avoir au moins communica-