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exemples affreux des Calas et des Sirven dans le Languedoc, de Montbailli[1] dans Saint-Omer, de Martin dans le duché de Bar, étaient présents à sa mémoire, ce serait de lui que j’attendrais justice. Je le supplierais de considérer qu’au temps même du meurtre horrible du chevalier de La Barre, huit fameux avocats[2] de Paris élevèrent leurs voix contre la sentence d’Abbeville, en faveur de trois enfants poursuivis comme moi, et menacés comme moi de la mort la plus cruelle.

J’ai pris la liberté de mettre cette décision sous les yeux du roi : j’ose croire que, s’il a daigné lire ma requête, il en a été touché. Sa bonté, son suffrage, sont tout ce que j’ambitionne, et tout ce qui peut me consoler.

d’Étallonde de Morival,
fin du cri du sang innocent.
  1. J’ai lu qu’il y a cinq ou six ans, des juges de province condamnèrent le sieur Montbailli et son épouse à être roués et brûlés. L’innocent Montbailli fut roué. Sa femme, étant grosse, fut réservée pour être brûlée. Le conseil du roi empêcha ce dernier crime.

    Un juge, auprès de Bar, fit rouer un honnête cultivateur, nommé Martin, chargé de sept enfants. Celui qui avait fait le crime l’avoua huit jours après.(Note de Voltaire.)

    — On a vu, dans la Relation de la mort du chevalier de La Barre, qu’une cérémonie ridicule faite par l’évêque d’Amiens avait contribué, par le trouble qu’elle jeta dans les esprits de la populace d’Abbeville, à fournir aux ennemis du chevalier de La Barre des prétextes pour le perdre. Cet évêque, affaibli par l’âge et par la dévotion, mais naturellement bon et humain, porta jusqu’au tombeau le remords de ce crime involontaire. Son successeur, qui est d’une foi plus robuste, a eu la cruauté d’insulter à la mémoire de La Barre, dans un mandement qu’il a publié pour défendre à ses diocésains de souscrire pour cette édition. Cette défense de lire un livre, faite à des hommes par d’autres hommes, est une insulte aux droits du genre humain. La tyrannie s’est souillée souvent d’attentats plus violents, mais il n’en est aucun d’aussi absurde, et peu qui entraînent des suites si funestes. On ne connaît ni le temps ni le pays où un homme eut, pour la première fois, l’insolence de s’arroger un pareil pouvoir. On sait seulement que ce crime contre l’humanité est particulier aux prêtres de quelques nations européanes. (K.)

    — Les deux évêques d’Amiens dont il est question dans la note des éditeurs de Kehl sont La Motte (Voyez tome XXV, page 506) et Machault.

    Voltaire s’était déjà occupé de l’affaire de Montbailli ( voyez tome XXVIII, pages 425 et 498, et ci-dessus, page 218). Il avait parlé plusieurs fois de Martin ; voyez tome XVIII, page 118 ; XXVIII, 410, 427, 498.

  2. Voyez page 381.