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imbéciles pour adopter des fables ineptes, et pour croire qu’il est condamné au supplice des impies… Mais si ce sont là de pures chimères, comme tout le monde en est convaincu, de quoi la mort l’a-t-elle privé, sinon du sentiment de la douleur ? »

César parla de même en plein sénat dans le procès de Catilina. Enfin, sur le théâtre de Rome, le chœur chanta, dans la tragédie de la Troade[1] :

Post mortem nihil est, ipsaque mors nihil.

Rien n’est après la mort, la mort même n’est rien.

Le chœur continue dans le même esprit :

Spem ponant avidi, solliciti metum.
Quæris quo jaceas post obitum loco ?
Quo non nata jacent.

Sois sans crainte et sans espérance ;
Que ton sort ne te trouble pas.
Que devient-on dans le trépas ?
Ce qu’on fut avant sa naissance[2].

On est aujourd’hui assez partagé entre l’immortalité et la mort de lâme ; mais tout le monde convient qu’elle est matérielle, et, si elle l’est, on doit croire qu’elle est périssable.

Nous passerions tout notre temps à citer, si nous voulions rapporter tous les témoignages de ceux qui ont cru, avec l’antiquité, que tous les animaux, hommes et brutes, ayant une âme, l’ont nécessairement corporelle.

Les Grecs se sont avisés de diviser cette âme en trois parties, la végétative, la sensitive, et l’intelligente. Enfin, c’est une énigme dont chacun a cherché le mot depuis Pythagore.

Puisque tous les philosophes ont cherché, cherchons donc aussi. Il y a un trésor enterré dans un champ : cent avares ont fouillé ce champ ; il reste un petit coin où l’on n’a pas encore touché, peut-être y trouverons-nous quelque chose.

Je n’examine point comment et dans quel temps l’âme entre dans notre corps, si elle est simple ou composée, aérienne ou ignée, si elle loge dans le ventre, ou dans le cœur, ou dans la cervelle ; j’examine si nous avons une âme.

  1. À la fin du second acte.
  2. Voyez d’autres traductions de ces vers, tome XXVIII, page 155, et ci-après dans le paragraphe xxi de Un Chrétien contre six Juifs.