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rectement du Pérou par Cadix ; par conséquent nous sommes utiles en faisant entrer des matières d’or et d’argent, en les conservant et en les travaillant à bas prix.

Nous demandons donc très-humblement la liberté à nous promise par le ministère, en 1770, de travailler l’or à dix-huit carats comme à Genève, l’argent à dix deniers, avec la sûreté de n’être point inquiétés par la ferme du marc d’or.

Ce commerce est d’une telle importance qu’il a procuré seul des richesses immenses à la république de Genève. Cette république fabriquait pour plus de dix millions de montres par an ; et c’est avec ce produit bien économisé qu’elle a acquis pour six millions de revenus sur les finances de Votre Majesté, tant en rentes foncières qu’en rentes viagères sur plusieurs têtes, lesquelles rentes viagères durent presque toujours pendant près de cent années.

Ces gains prodigieux de Genève ont éveillé enfin l’industrie des pays de Gex et de Bresse. Celui de Gex ne peut se tirer de son extrême misère que par les fabriques établies à Ferney et à Versoi. Messieurs les syndics du pays de Gex savent assez et attesteront combien est stérile le sol de cette petite province, qui n’est qu’une langue de terre d’environ cinq lieues de long et de deux de large, sur le bord du lac de Genève, environnée d’ailleurs de montagnes inaccessibles, dont les unes sont couvertes de neiges sept mois de l’année, et les autres de neiges et de glaces éternelles.

La terre, labourée avec six bœufs, n’y produit d’ordinaire que trois pour un, ce qui ne paye pas les frais de la culture. Aussi, avant l’année 1770, époque de l’établissement des suppliants, il est prouvé que le nombre des habitants du pays de Gex était réduit à moins de neuf mille, ayant été de dix-huit mille vers l’an 1680.

Le pays ne commence à se repeupler et à se vivifier que par les attentions du gouvernement, qui a protégé des manufactures et un commerce absolument nécessaires.

Le conseil de Sa Majesté peut interroger sur tous ces faits le sieur L’Épine, horloger du roi, natif du pays de Gex, qui vient d’établir une nouvelle fabrique à Ferney, par les soins du seigneur du lieu.

Nous nous jetons, sire, aux pieds de Votre Majesté ; nous la supplions de nous faire jouir des privilèges accordés par Henri IV, dont vous égalez la bienfaisance. Nous sommes vos sujets, et Genève n’était que la protégée de Henri IV.

Nous vous conjurons d’ordonner :