Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome29.djvu/24

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sous les yeux la conspiration des poudres, et trois jésuites[1] écartelés pour ce crime inconcevable ? Les jésuites en ont-ils été moins fiers ? Non ; tout écrasés qu’ils sont, il leur reste trois doigts dont ils se servent pour imprimer dans Avignon que les docteurs de Sorbonne sont des ignorants insolents, et pour répéter en plagiaires ce que M. Deslandes, de l’Académie des sciences, a mis en note dans son troisième tome, page 299[2], que la Sorbonne est aujourd’hui le corps le plus méprisable du royaume.

Ces outrages, ces injures réciproques, n’ont rien de philosophique ; je dirai plus, elles n’ont rien de chrétien.

J’observerai, avec la satisfaction d’un bon sujet, que dans les troubles de la Fronde, non moins affreux peut-être que la conspiration des poudres, mais infiniment plus ridicules, ce ne fut ni Descartes, ni Gassendi, ni Pascal, ni Fermat, ni Roberval, ni Méziriac, ni Rohault, ni Chapelle, ni Bernier, ni Saint-Évremond, ni aucun autre philosophe, qui mit à prix la tête du cardinal premier ministre. Nul d’eux ne vola l’argent du roi pour payer cette tête ; nul ne força Louis XIV et sa mère de s’enfuir du Louvre, et d’aller coucher sur la paille à Saint-Germain ; nul ne fit la guerre à son roi, et ne leva contre lui le régiment des Portes-cochères, et le régiment de Corinthe[3] etc., etc.

Je conviendrai avec le jésuite auteur du petit livre Tout se dira que « ces petites fautes commises à bonne intention l’étaient par maître Quatre hommes, maître Quatre sous, maître Bitaud, maître Pitaut, maîtres Boisseau, Gratau, Martinau, Boux, Crépin, Cullet, etc., etc… » tous tuteurs des rois, et qui avaient acheté la tutelle : ils n’étaient pas philosophes. Ce n’est pas moi qui parle, c’est le jésuite auteur de Tout se dira, et de l’Appel à la raison[4]. Je ne sais s’il est plus philosophe que MM. Cullet et Crépin. Ce que je sais certainement avec l’Europe, c’est que tant que Gondi-Retz fut archevêque de Paris, il fut vain, insolent, débauché, factieux, criminel de lèse-majesté. Quand il devint philosophe, il fut bon sujet, bon citoyen ; il fut juste.

Je répondrai surtout aux détracteurs de l’ancien parlement

  1. Voltaire n’en nomme que deux, les Pères Garnet et Oldcorn, tome XIII, page 53 ; il nomme le troisième Creton, dans la XXIIe des Honnêtetés littéraires ; voyez tome XXVI, page 143.
  2. Histoire critique de la philosophie, édition de 1737.
  3. Voyez tome XVI, page 46.
  4. Jean Novi de Caveyrac, né à Nimes en 1713, mort en 1782, apologiste de la révocation de l’édit de Nantes. Son Appel à la raison, des écrits publiés contre les jésuites de France, parut en 1702. — Voyez la note, tome XXVI, page 126.