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SUR L’HISTOIRE GÉNÉRALE.

laquelle l’arche de Noé s’arrêta était à l’orient de la plaine de Sénaar, ou Shinaar, ou Séniar ; que la tour de Babel n’avait point été bâtie à mauvaise intention ; qu’elle n’avait qu’une lieue et un quart de hauteur, et non pas cent trente lieues, comme des exagérateurs l’avaient dit ; que « la confusion des langues à Babel produisit dans le monde les effets les plus heureux et les plus admirables » : ce sont leurs propres paroles. Ils examinaient avec attention lequel avait le mieux calculé, ou du savant Petau, qui comptait six cent vingt-trois milliards six cent douze millions d’hommes sur la terre, environ trois siècles après le déluge de Noé ; ou du savant Cumberland, qui n’en comptait que trois milliards trois cent trente-trois mille. Ils recherchaient si Usaphed, roi d’Égypte, était fils ou neveu du roi Véneph. Ils ne savaient pourquoi Cayomarat ou Gayoumaras ayant été le premier roi de Perse, cependant son petit-fils Siameck passa pour être l’Adam des Hébreux, inconnu à tous les autres peuples.

Pour nous, notre seule intention était d’étudier les arts et les mœurs.

Comme l’histoire[1] du respectable Bossuet finissait à Charlemagne. Mme du Châtelet nous pria de nous instruire en général, avec elle, de ce qu’était alors le reste du monde, et de ce qu’il a été jusqu’à nos jours. Ce n’était pas une chronologie qu’elle voulait ; un simple almanach antique des naissances, des mariages, et des morts de rois, dont les noms sont à peine parvenus jusqu’à nous, et encore tout falsifiés : c’était l’esprit des hommes qu’elle voulait contempler.

Nous commençâmes nos recherches par l’Orient, dont tous les arts nous sont venus avec le temps. Il n’est aucune histoire qui commence autrement. Ni le prétendu Hermès, ni Manéthon, ni Bérose, ni Sanchoniathon, ni les Shasta, ni les Veidam indiens, ni Zoroastre, ni les premiers auteurs chinois, ne portèrent ailleurs leurs premiers regards ; et l’auteur inspiré du Pentateuque ne parla point de nos peuples occidentaux.


ARTICLE II.


De la Chine.


Il ne nous fallut ni de profondes recherches, ni un grand effort pour avouer que les Chinois, ainsi que les Indiens, ont

  1. Sous le titre de Discours sur l’histoire universelle.