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SUPPLÉMENT

la génération présente avec une grande majesté dans les nuées[1] et qui ne paraît point dans les nuées comme il l’avait promis ; une foule de trépassés qui ressuscitent[2] et qui se promènent dans Jérusalem à la mort de ce dieu, sans qu’aucun sénateur romain ait jamais été instruit d’aucune de ces aventures, dans le temps que le sénat de Rome était le maître de la Judée, et se faisait rendre un compte exact de tout par le gouverneur et par tous les préposés. Quoi ! des prodiges qui auraient occupé l’attention de la terre entière auraient été ignorés de la terre entière ! Quoi ! le nom même d’évangile aurait été inconnu des Romains pendant plus de deux siècles !

Certes, si Julien avait eu assez de loisir pour rassembler toutes ces absurdités, et pour en faire un tableau frappant, il aurait anéanti cette secte enthousiaste.

Il aurait montré par quels degrés on parvint à ce point d’aveuglement et d’insolence ; comment on entassa secrètement livres sur livres, contes sur contes, mensonges audacieux sur mensonges absurdes. Il eût fait voir comment le christianisme se guinda peu à peu sur les épaules du platonisme, comment il parvint à séduire les esprits sous l’ombre d’une initiation plus parfaite que les autres initiations ; comment le serment de ne jamais révéler le secret au gouvernement servit à former un parti considérable dans l’État, et subvertit enfin le gouvernement auquel il s’était longtemps caché.

L’histoire fidèle de l’enthousiasme des premiers chrétiens, de leurs fraudes qu’ils appelaient pieuses, de leurs cabales, de leur ambition, se trouve parfaitement développée dans l’Examen important de feu milord Bolingbroke[3].

On exhorte tous ceux qui veulent s’instruire à lire cet excellent ouvrage. On les exhorte à adorer Dieu en esprit et en vérité, à fouler aux pieds toutes les affreuses superstitions sous lesquelles on nous accable.

Quiconque réfléchira verra évidemment que le but de tant de fourberies a été uniquement de s’enrichir à nos dépens, et d’établir le trône de l’ambition sur le marchepied de notre sottise. On a employé pendant seize siècles la fourberie, le mensonge, les prestiges, les prisons, les tortures, le fer, et la flamme, pour que tel moine eût quarante mille ducats de rente ; pour que

  1. Luc, xxi, 27.
  2. Matth., xxvii, 52, 53.
  3. Voyez tome xxvi, pages 228 et suiv.