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DE L’EMPEREUR JULIEN.

cela sera pour signe de l’alliance entre moi et vous, et entre moi et la postérité. »

Jésus n’a-t-il pas ordonné lui-même d’observer exactement la loi ? « Je ne suis point venu, dit-il[1] pour détruire la loi et les prophètes, mais pour les accomplir. » Et dans un autre endroit ne dit-il pas encore[2] : « Celui qui manquera au plus petit des préceptes de la loi, et qui enseignera aux hommes à ne pas l’observer, sera le dernier dans le royaume du ciel » ? Puisque Jésus a ordonné expressément d’observer soigneusement la loi, et qu’il a établi des peines pour punir celui qui péchait contre le moindre commandement de cette loi, vous, Galiléens, qui manquez à tous, quelle excuse pouvez-vous justifier ? Ou Jésus ne dit pas la vérité, ou bien vous êtes des déserteurs de la loi.

Revenons à la circoncision. La Genèse dit[3] : La circoncision sera

  1. Matth., v, 17.
  2. Matth., v, 19.
  3. Saint Cyrille, qui réfute quelquefois avec beaucoup d’érudition les erreurs de Julien, me paraît avoir donné des raisons très-faibles de la suppression de la circoncision par les premiers chrétiens. « Voyons, dit saint Cyrille, à quoi est bonne la circoncision charnelle, lorsque nous en rejetterons le sens mystique. S’il est nécessaire que les hommes circoncisent le membre qui sert à la procréation des enfants, et si Dieu désapprouve et condamne le prépuce, pourquoi, dès le commencement, ne l’a-t-il pas supprimé, et pourquoi n’a-t-il pas formé ce membre comme il croyait qu’il devait l’être ? À cette première raison de l’inutilité de la circoncision, joignons-en une autre. Dans tous les corps humains qui ne sont point gâtés et altérés par quelques maladies, on ne voit rien qui soit ou superflu ou qui y manque : tout y est arrangé par la nature d’une manière utile, nécessaire et parfaite ; et je pense que les corps seraient défectueux s’ils étaient dépourvus de quelques-unes des choses qui sont pour ainsi dire innées avec eux. Est-ce que l’auteur de l’univers n’a pas connu ce qui était utile et décent, est-ce qu’il ne l’a point employé dans le corps humain, puisque partout ailleurs il a formé les autres créatures dans leur état de perfection ? Quelle est donc l’utilité de la circoncision ? Peut-être quelqu’un apportera, pour en autoriser l’usage, le ridicule prétexte dont les Juifs et plusieurs idolâtres se servent pour le soutenir : c’est afin, disent-ils, que le corps soit exempt de crasse et de souille ; il est donc nécessaire de dépouiller le membre viril des téguments qui le couvrent. Je ne suis pas de cet avis. Je pense que c’est outrager la nature, qui n’a rien de superflu et d’inutile. Au contraire, ce qui paraît en elle vicieux et déshonnête est nécessaire et convenable, surtout si l’on fuit les impuretés charnelles ; qu’on en souffre les incommodités, comme on supporte celles de la chair, celles des choses qui sont la suite de cette chair, et qu’on laisse couverte par le prépuce la fontaine d’où découlent les enfants : car il convient plutôt de s’opposer fermement à l’écoulement de cette fontaine impure, et d’en arrêter le cours, que d’offenser ses conduits par des sections et des coupures. La nature du corps, lors même qu’elle sort des lois ordinaires, ne souille pas l’esprit. »

    Saint Cyrille demande à quoi est bonne la circoncision, si on en ôte le sens mystique. Julien aurait pu lui répondre : À rien, si vous voulez, mais il ne s’agit pas de cela : il s’agit de savoir si le Dieu d’Abraham a ordonné à ce patriarche la