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DISCOURS

ver, ni donner la moindre réponse un peu satisfaisante et vraisemblable. Comme je m’aperçus qu’il ne savait plus que dire : Il est vrai, lui répondis-je, que Dieu a condamné avec raison ce que vous dites qu’il a condamné : la volonté était égale dans Abel et dans Caïn, l’un et l’autre pensaient qu’il fallait offrir à Dieu des oblations ; mais quant à la division, Abel atteignit au but, et l’autre se trompa. Comment cela arriva-t-il ? me demanderez-vous. Je vous répondrai que, parmi les choses terrestres, les unes sont animées, et les autres sont privées de l’âme : les choses animées sont plus dignes d’être offertes que les inanimées au Dieu vivant et auteur de la vie, parce qu’elles participent à la vie, et qu’elles ont plus de rapport avec l’esprit. Ainsi Dieu favorisa celui qui avait offert un sacrifice parfait, et qui n’avait point péché dans la division.

Il faut que je vous demande, Galiléens, pourquoi ne circoncisez-vous pas ? Vous répondez : Paul a dit[1] que la circoncision du cœur était nécessaire, mais non pas celle du corps ; selon lui celle d’Abraham ne fut donc pas véritablement charnelle, et nous nous en rapportons sur cet article à la décision de Paul et de Pierre. Apprenez, Galiléens, qu’il est marqué dans vos Écritures que Dieu a donné à Abraham la circoncision de la chair, comme un témoignage et une marque authentique. « C’est ici[2] mon alliance entre moi et vous, entre ta postérité dans la suite des générations. Et vous circoncirez la chair de votre prépuce, et


    donc l’origine des sacrifices sanglants ! Et après avoir immolé des agneaux et des chevreaux, on immolera bientôt nos fils et nos filles.

    Il est triste qu’un sage comme Julien tombe ici dans le ridicule de croire qu’un agneau est une offrande plus digne de Dieu que du froment ou de l’orge. Apparemment qu’en attaquant les prêtres galiléens, il voulait ménager les prêtres païens.

    Julien ne parle pas de la contradiction qui suit un moment après. Caïn, dans sa conversation avec Dieu, lui dit : « Je serai vagabond sur la terre, et quiconque me trouvera me tuera. » Or il n’y avait alors sur la terre qu’Adam, Ève, et Caïn, suivant le texte. Mais l’auteur inconsidéré de cette rapsodie ne sent pas la contradiction dans laquelle il tombe. Il fait parler Caïn comme dans le temps où la terre était couverte d’hommes. Elle l’était sans doute, mais non pas suivant la Genèse. Dieu met un signe à Caïn pour empêcher que les hommes qui n’existaient pas ne le tuent ! Quelle bêtise, mais quelle horreur ! Dieu protège un fratricide, et damne le genre humain pour une pomme. Et pour quelle pomme encore ! pour une pomme qui donnait la science. Bien des gens disent que c’est prodiguer sa raison que de combattre ainsi des choses qui n’en ont point ; mais la plupart des hommes ou ne lisent point la Bible, ou la lisent avec stupidité. Il faut donc réveiller cette stupidité et leur dire : Lisez avec attention. Lisez la Bible et les Mille et une Nuits, et comparez. (Note de Voltaire.)

  1. Épître aux Romains, ii, 29.
  2. Genèse, xvii, 10, 11.