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QUELQUES

PETITES HARDIESSES

DE M. CLAIR

A l'occasion d'u\ PANÉGYHIQUE de saint LOLIS'.

��En lisant le Panégyrique de saint Louis prononcé par M. Maury devant notre illustre Académie, je croyais, à l'article des Croi- sades, entendre ce Gucupietre ou Pierre l'Ermite, changé en Démostliène et en Cicéron. Il donne presque envie de voir une croisade. J'avoue que je ne serais pas fâché qu'on en fît une contre l'empire ottoman. J'aime l'Église grecque; elle est la mère de l'Église latine. J"ai ouï dire qu'il y a quelques princes qui, dans l'occasion, s'uniraient pour relever (non pas trop haut, mais sur ses pieds) le patriarche de Constantinople écrasé par le muphti. Je verrais avec plaisir la belle Grèce, la patrie d'Alcibiade et d'Anacréon, délivrée de son long esclavage. Il serait doux de souper dans Athènes libre avec Aspasie et Périclès, au sortir d'une tragédie de Sophocle.

Mais pour aller faire la guerre vers Immaûs et Corozaïm, je confesse que ce n'est pas mon goût.

Tous les premiers historiens des croisades semblent mordus des mêmes tarentules que les croisés. Il semble, à les entendre, qu'on rendait un service important à Dieu en abandonnant la culture des terres les plus fertiles de l'Occident, en portant son or et son argent dans un pays aride, en visitant les saints lieux sur un cheval de charrette, avec sa maîtresse en croupe, et en se fai- sant tuer par des Turcs et des Sarrasins, à dix-huit cents lieues de sa patrie.

1. Le Panégyrique de saint Louis, par l'abbé (depuis cardinal) Maury, fut prononcé le 25 auguste 177'2. L'opuscule de Voltaire est de septembre. (B.)

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