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A M. L'ABBÉ DE CAVEYRAC. S57

cardinaux, alla, le 6 septembre, remercier Dieu dans l'église de Saint-Marc ; que, le lundi suivant, il fit chanter une messe solen- nelle à la Minerve; qu'on tira le canon, qu'on fit des illuminations; qu'il marcha en procession, le 8 septembre, à l'église de Saint- Louis ; qu'on mit à la porte de cette église un écriteau par lequel Charles IX remerciait le pape de ses bons conseils qu'on avait exécutés, etc. ?

En est-ce assez pour réfuter M. l'abbé de Caveyrac ? Faut-il nous forcer à rappeler ce que nous voudrions ensevelir dans un oubli éternel?

Comment peut-il dire que cette affaire ne fut que l'effet d'une résolution subite, quand le jésuite Daniel avoue que Charles I\ dit : « N'ai-je pas bien joué mon rôlet? » Comment peut-on démentir ainsi tous les Mémoires du temps?

Pourquoi s'obstiner encore à vouloir persuader que, depuis l'an 1680, l'émigration de nos concitoyens n'a été que médiocre et presque insensible? Pense-t-on fermer nos plaies en les niant, et en contredisant ceux qui ont vu des villes entières bâties par des réfugiés? Peut-on dire q\ïil ne s' est pas établi cinquante familles \/ françaises à Genève, tandis que le quart de la ville au moins est composé de Français; et de quels Français encore? Des citoyens les plus utiles, parmi lesquels il en est qui possèdent des fortunes de trois millions. Il ne faut ni exagérer ni diminuer nos pertes ^et nos malheurs; mais il est permis de montrer nos blessures aux yeux d'un gouvernement qui peut les guérir.

Enfin pourquoi répéter dans son nouvel écrit que le roi de Prusse s'est trompé en assurant que plus de vingt mille Français se réfugièrent dans ses États? Pourquoi dire que c'est moi qui / suis l'auteur des Mémoires de Brandebourg ^ , quand il est avéré que ce monarque est le seul historien de sa patrie, comme il en est le législateur et le héros? M, l'abbé de Caveyrac se trompe assu- rément en disant^ « que j'ai donné cette Histoire de Brandebourg à beaucoup de personnes comme mon ouvrage, et que je l'ai vendue à plus d'un libraire comme mon bien ».

La vérité et l'honneur m'obligent de dire qu'il n'y a personne en Europe à qui j'aie jamais ni prêté, ni donné, encore moins vendu l'Histoire de Brandebourg, et que du jour où cette histoire parut jusqu'à présent il n'y a aucun libraire cà qui j'aie jamais

��1. Voyez, tome VIII, les notes et variantes de VOde sur la mort de Madame la princesse de Bareith.

2. Page 43 de sa seconde lettre. [Note de Voltaire.)

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