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554 RÉFLEXIONS PHILOSOPHIQUES

les tribunaux ambitionnent le suffrage, a consacré l'arrêt du nouveau parlement de Paris porté entre le vicomte de Boml)elles et la demoiselle Camp. Le public a senti cju'une loi dure ne per- mettant pas en France à un catholique de se marier à une pro- testante par le ministère d'un prétendu réformé, le mariage devait être déclaré nuH. Mais en même temps la bonne foi delà mariée a été récompensée par une réparation civile et par une somme d'argent proportionnée aux facultés du mari : si pourtant un peu d'argent peut tenir lieu d'un état dans la société.

Les juges ont assigné une pension à la fille née de ce mariage malheureux. Ils ont même eu soin de la recommander au roi, comme ayant droit à ses grâces par les vertus de sa mère. Ainsi ils ont rempli tous les devoirs de la législation et de l'humanité.

Il ne reste plus à la nation qu'à désirer de voir finir cette sépa- ration funeste qui a privé la patrie d'environ sept à huit cent mille citoyens utiles, et qui plonge encore cent mille familles dans l'incertitude continuelle de leur sort, dans la douleur de mettre au monde des enfants dont la subsistance peut toujours être disputée, et dont la naissance est regardée comme un crime. Cette fatalité destructive de la population, de la paix et du bien de l'État, réputée autrefois nécessaire, désole sourdement la France depuis près de cent années.

Les guerres et les assassinats de religion sous François II, Charles IX, Henri III, Henri IV, Louis XIII, furent les motifs qui semblèrent déterminer Louis XIV aux sévérités qu'il exerça dans un temps où ces guerres civiles n'étaient plus à craindre; il pu- nit les petits-neveux, tranquilles, des fautes de leurs aïeux, tur- bulents.

Nous nous sommes aperçus enfin que la médecine trop forte donnée aux petits-fils pour la maladie de leurs grands-pères ^ n'avait pu les guérir. Ils ont persisté dans leur culte ; mais si on n'a pu ouvrir leurs yeux à nos sublimes vérités, on avait guéri leurs cœurs : il faut avouer qu'ils étaient de bons citoyens et des sujets fidèles dans le temps de la révocation de l'édit de Nantes.

Si on défend pendant la contagion toute communication avec une province infectée, il est triste que cette défense ait lieu lors- que le mal est entièrement passé.

1. « M. de Voltaire prend le change comme beaucoup d'autres, disent les Mémoires secrets : l'arrêt ne déclare pas le mariage nul, il reconnaît simplement qu'il n'y a point de mariage, faute d'acte de célébration. »

2. Voltaire a déjà employé cette comparaison tome XXV, pages 32 et 266; tome XXVI, page 113.

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