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RÉFLEXIONS


PHILOSOPHIQUES


SUR LE PROCÈS


DE MADEMOISELLE CAMP [1]


(1772)


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La loi commande, le magistrat prononce ; le public, dont l'arrêt est inutile pour l'exécution des lois, mais irrévocable au tribunal de l'équité naturelle, décide en dernier ressort. Sa voix se fait entendre à la dernière postérité.

Ce juge suprême, quoique sans pouvoir, et dont au fond tous

  1. Le vicomte de Bombelles, officier au régiment du roi, avait épousé à Montauban Mlle Camp, fille d'un négociant protestant, et, pour se conformer à la religion de la demoiselle, avait consenti que le mariage se fît suivant le rite de sa religion, c'est-à-dire au désert : cérémonie proscrite alors en France par la loi qui déclarait nuls les mariages des protestants. Depuis, profitant sans doute de cette nullité, le vicomte se maria, en 1771, avec une demoiselle Carvoisin ; et cette fois, ce fut suivant le rite catholique. La première épouse revendiqua ses droits et son état, et porta plainte devant les tribunaux. Linguet fut chargé du Mémoire. Les Mémoires secrets disent que, dès que l'affaire eut éclaté, le conseil de l'École militaire, où le vicomte avait été élevé, lui écrivit pour lui annoncer qu'on désirait qu'il s'abstînt d'y paraître davantage. Les faits furent contestés par le vicomte. Enfin, le 7 auguste 1772, intervint un arrêt qui déboute Mlle Camp, la condamne aux frais et dépens envers la demoiselle Carvoisin, femme Bombelles ; qui ordonne que l'enfant de la demoiselle Camp et du sieur Bombelles sera élevée dans la religion catholique, apostolique et romaine, aux frais du père, à raison de six cents francs par an, pour lesquels il sera tenu de faire un fonds de douze mille francs ; et qui condamne ledit Bombelles à douze mille francs de dommages-intérêts envers la demoiselle Camp, par forme de réparation civile (ce qui entraînait la contrainte par corps) ; sur le surplus, met les parties hors de cour.

    Mlle Camp, depuis Mme Van Robais, est morte le 11 février 1778. L'écrit de Voltaire est postérieur au 7 auguste 1772, date du jugement contre Mlle Camp, Mais il doit être du mois d'auguste. Il se pourrait qu'il fût antérieur à Il faut prendre un parti. L'édition originale des Réflexions, in-8° de 12 pages, contient l'ode Pour le 24 auguste ou août 1772 (voyez tome VIII). (B.)