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IL FAUT PRENDRE UN PARTI,

« Il commande à Osée de prendre une fille de joie et de lui faire trois enfants ; puis il lui commande de payer une femme adultère, et de lui faire aussi des enfants, etc., etc., etc., etc.

« Joignez à tous ces prodiges une série non interrompue de massacres, et vous verrez que tout est divin chez nous, puisque rien n'y est suivant les lois appelées honnêtes chez les hommes.

« Mais malheureusement nous ne fûmes bien connus des autres nations que lorsque nous fûmes anéantis. Ce furent nos ennemis les chrétiens qui nous firent connaître en s'emparant de nos dépouilles. Ils construisirent leur édifice des matériaux de notre Bible, bien mal traduite en grec. Ils nous insultent, ils nous oppriment encore aujourd'hui ; mais patience, nous aurons notre tour, et l'on sait quel sera notre triomphe à la fin du monde, quand il n'y aura plus personne sur la terre. »


XXIII. — Discours d'un turc.


Quand le juif eut fini, un turc, qui avait fumé pendant toute la séance, se lava la bouche, récita la formule Allah Illah, et, s'adressant à moi, me dit :

« J'ai écouté tous ces rêveurs ; j'ai entrevu que tu es un chien de chrétien; mais tu m'agrées, parce que tu me parais indulgent, et que tu es pour la prédestination gratuite. Je te crois homme de bon sens, attendu que tu sembles être de mon avis.

« La plupart de tes chiens de chrétiens n'ont jamais dit que des sottises sur notre Mahomet. Un baron de Tott [1], homme de beaucoup d'esprit et de fort bonne compagnie, qui nous a rendu de grands services dans la dernière guerre, me fit lire, il n'y a pas longtemps, un livre d'un de vos plus grands savants nommé Grotius, intitulé De la Vérité de la religion chrétienne [2]. Ce Grotius accuse notre grand Mahomet d'avoir fait accroire qu'un pigeon lui parlait à l'oreille, qu'un chameau avait avec lui des conversations pendant la nuit, et qu'il avait mis la moitié de la lune dans sa manche. Si les plus savants de vos christicoles ont dit de telles âneries, que dois-je penser des autres ?

« Non, Mahomet ne fit point de ces miracles opérés dans un

    tez-y toutes les autres nations : elles se ressemblent, au déjeuner près du prophète Ézéchiel et de la petite convulsionnaire. (Note de Voltaire.) — Sur l'ouvrage de Carré de Montgeron, voyez la note, tome XVI, page 78.

  1. François, baron de Tott, ne en 1733, mort en 1793, officier français et négociateur.
  2. Voyez la note, tome XXVI, page 380.