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IL FAUT PRENDRE UN PARTI,


agréable, en effet, que le conte de Pandore et de sa boîte. Si Hésiode a eu le mérite d'inventer cette allégorie, je le tiens aussi supérieur à Homère qu'Homère l'est à Lycophron, Mais je crois que ni Homère ni Hésiode n'ont rien inventé ; ils ont mis en vers ce qu'on pensait de leur temps.

Cette boîte de Pandore, en contenant tous les maux qui en sont sortis, semble aussi renfermer tous les charmes des allusions les plus frappantes à la fois et les plus délicates. Rien n'est plus enchanteur que cette origine de nos souffrances. Mais il y a quelque chose de bien plus estimable encore dans l'histoire de cette Pandore. Il y a un mérite extrême dont il me semble qu'on n'a point parlé, c'est qu'il ne fut jamais ordonné d'y croire.


XVIII. — De ces mêmes romans, imités par quelques nations barbares.


Vers la Chaldée et vers la Syrie, les barbares eurent aussi leurs fables sur l'origine du mal, et nous avons parlé ailleurs de ces fables [1]. Chez une de ces nations voisines de l'Euphrate, un serpent ayant rencontré un âne chargé, et pressé par la soif, lui demanda ce qu'il portait. « C'est la recette de l'immortalité, répondit l'âne ; Dieu en fait présent à l'homme, qui en a chargé mon dos ; il vient après moi, et il est encore loin, parce qu'il n'a que deux jambes ; je meurs de soif, enseignez-moi de grâce un ruisseau. » Le serpent mena boire l'âne, et pendant qu'il buvait il lui déroba la recette. De là vint que le serpent fut immortel, et que l'homme fut sujet à la mort et à toutes les douleurs qui la précèdent.

Vous remarquerez que le serpent passait pour immortel chez tous les peuples, parce que sa peau muait. Or, s'il changeait de peau, c'était sans doute pour rajeunir. J'ai déjà parlé ailleurs [2] de cette théologie de couleuvres ; mais il est bon de la remettre sous les yeux du lecteur pour lui faire bien voir ce que c'était que cette vénérable antiquité chez laquelle les serpents et les ânes jouaient de si grands rôles.

En Syrie, on prenait plus d'essor ; on contait que, l'homme et la femme ayant été créés dans le ciel, ils avaient eu un jour envie de manger d'une galette ; qu'après ce déjeuner il fallut aller à la garde-robe ; qu'ils prièrent un ange de leur enseigner où étaient les privés. L'ange leur montra la terre. Ils y allèrent,

  1. Tome XI, page 17 ; XVII, 583; et dans le présent volume, pages 145, 321, 449.
  2. Voyez tome XI, page 16; XIX, 233; XXVI, 339; et dans ce volume, page 321.