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OU LE PRINCIPE D'ACTION.


est donc éternel comme lui, de même que la lumière est aussi ancienne que le soleil, le mouvement aussi ancien que la matière, les aliments aussi anciens que les animaux : sans quoi le soleil, la matière, les animaux, auraient été non-seulement des êtres inutiles, mais des êtres de contradiction, des chimères.

Que pourrait-on imaginer en effet de plus contradictoire qu'un être essentiellement agissant qui n'aurait pas agi pendant une éternité ; un être formateur qui n'aurait rien formé, et qui n'aurait formé quelques globes que depuis très-peu d'années, sans qu'il parût la moindre raison de les avoir formés plutôt en un temps qu'en un autre ? Le principe intelligent ne peut rien faire sans raison ; rien ne peut exister sans une raison antécédente et nécessaire. Cette raison antécédente et nécessaire a été éternellement : donc l'univers est éternel.

Nous ne parlons ici que philosophiquement : il ne nous appartient pas seulement de regarder en face ceux qui parlent par révélation.


VI. — Que l'Être éternel, premier principe, a tout arrangé volontairement.


Il est clair que cette suprême intelligence nécessaire, agissante, a une volonté, et qu'elle a tout arrangé parce qu'elle l'a voulu. Car comment agir et former tout sans vouloir le former ? Ce serait être une pure machine, et cette machine supposerait un autre premier principe, un autre moteur. Il en faudrait toujours revenir à un premier être intelligent, quel qu'il soit. Nous voulons, nous agissons, nous formons des machines quand nous le voulons : donc le grand Démiourgos très-puissant a tout fait parce qu'il l'a voulu.

Spinosa lui-même reconnaît dans la nature une puissance intelligente, nécessaire ; mais une intelligence destituée de volonté serait une chose absurde, parce que cette intelligence ne servirait à rien : elle n'opérerait rien, puisqu'elle ne voudrait rien opérer. Le grand Être nécessaire a donc voulu tout ce qu'il a opéré.

J'ai dit tout à l'heure qu'il a tout fait nécessairement, parce que si ses ouvrages n'étaient pas nécessaires, ils seraient inutiles. Mais cette nécessité lui ôterait-elle sa volonté ? Non, sans doute ; je veux nécessairement être heureux, je n'en veux pas moins ce bonheur ; au contraire, je le veux avec d'autant plus de force que je le veux invinciblement.