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DE L’EMPEREUR JULIEN.

vez toutes les sciences abondamment dans vos Écritures ? Il est plus nécessaire que vous éloigniez ceux qui sont de votre religion des écoles de nos philosophes que des sacrifices et des viandes offertes aux dieux : car votre Paul dit[1] : Celui qui mange ne blesse point. Mais, dites-vous, la conscience de votre frère, qui vous voit participer aux sacrifices, est offensée : ô les plus sages des hommes ! « pourquoi la conscience de votre frère n’est-elle pas offensée d’une chose plus dangereuse pour votre religion » ? car, par la fréquentation des écoles de nos maîtres et de nos philosophes, quiconque est né d’une condition honorable parmi vous abandonne bientôt vos impiétés. Il vous est donc plus utile d’éloigner les hommes des sciences des Grecs que des victimes. Vous n’ignorez pas d’ailleurs combien nos instructions sont préférables aux vôtres pour acquérir la vertu et la prudence. Personne ne devient sage et meilleur dans vos écoles, et n’en rapporte aucune utilité : dans les nôtres, les tempéraments les plus vicieux et les caractères les plus mauvais sont rendus bons, malgré les oppositions que peuvent apporter à cet heureux changement la pesanteur de l’âme et le peu d’étendue de l’esprit. S’il se rencontre dans nos écoles une personne d’un génie heureux, il paraît bientôt comme un présent que les dieux font aux hommes pour leur instruction, soit par l’étendue de ses lumières, soit par les préceptes qu’il donne, soit en mettant en fuite les ennemis de sa patrie, soit en parcourant la terre pour être utile au genre humain, et devenant par là égal aux plus grands héros… Nous avons des marques évidentes de cette vérité. Il n’en est pas de même parmi vos enfants, et surtout parmi ceux que vous choisissez pour s’appliquer à l’étude de vos Écritures. Lorsqu’ils ont atteint un certain âge, ils sont un peu au-dessus des esclaves. Vous pensez, quand je vous parle ainsi, que je m’éloigne de la raison : cependant vous en êtes vous-mêmes si privés, et votre folie est si grande, que vous prenez pour des instructions divines celles qui ne rendent personne meilleur, qui ne servent ni à la prudence, ni à la vertu, ni au courage ; et lorsque vous voyez des gens qui possèdent ces vertus, vous les attribuez aux instructions de Satan, et à celles de ceux que vous dites l’adorer.

Esculape guérit nos corps, les muses instruisent notre âme ; Apollon et Mercure nous procurent le même avantage ; Mars et Bellone sont nos compagnons et nos aides dans la guerre ; Vulcain nous instruit de tout ce qui a rapport aux arts ; Jupiter, et

  1. Épître aux Romains, ch. xiv, v. 3. (Note de Voltaire.)