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EN FAIT DE JUSTICE. 511

Il n'est point dit par ses avocats quelle ait fait serment sur l'eucharistie d'avoir prêté les cent mille écus au maréchal de camp, mais elle le dit par son testament ; et cet acte, fait immé- diatement après sa communion, peut être regardé comme un serment fait à Dieu même. Cette probabilité, dépouillée de toutes les circonstances cjui pourraient l'affaiblir, est la plus forte de toutes : elle est du double plus puissante que celle de l'aveu de la fourberie fait par sa fille et par son petit-fils, parce que cet aveu a pu, à toute force, être arraché par des violences. Cet aveu a été rétracté, et le testament ne peut l'être. Les dernières volon- tés d'une mourante, après avoir communié, sont assurément plus croyables qu'une confession faite en tremblant devant un com- missaire. Je n'hésiterais pas à faire valoir cette probabilité au- dessus de toutes les vraisemblances qui déposent contre la famille.

Mais aussi pesons tout ; considérons qu'il y a plus d'un exemple de fausses déclarations de mourants.

Qui a cru tromper Dieu pendant sa vie peut croire le tromper à sa mort. Une femme qui prête à usure au-dessus du taux du roi peut n'avoir pas la conscience bien délicate. Il paraît qu'elle a demeuré dans la rue Quincampoix à peu près vers le temps du système, et cette rue n'était pas l'école de la probité.

Cette femme, qui confirme par son testament la vente de son procès pouri cent quinze mille livres à un solliciteur, peut avoir été encouragée par ce solliciteur. Le soin de sa réputation et de sa famille peut l'avoir emporté dans son cœur sur la crainte de Dieu même. Entre le malheur d'exposer ses enfants à des peines rigou- reuses et la hardiesse tl'un mensonge, elle a pu ne pas balancer.

La Genep, dont nous avons parlé, fit une déclaration plus im- portante en mourant, et (>llc était fausse.

Dans l'étonnant procès de la comtesse de Saint-Géran, la sage- femme qui l'avait gardée jura sur l'eucharistie, avant de mourir, que la comtesse n'avait point accouché. Et les juges n'eurent aucun égard à ce serment.

Un nommé Cognot, ayant assuré par son testament que celle qui depuis se dit sa fille ne l'était pas, ne fut point cru par le parlement.

Cerisantes institua dans Naples le duc de Guise son exécuteur testamentaire : il lui légua sa vaisselle d'or, ses diamants à la

��\. Les avocats ne sont pas d'accord sur la somme : ceux de l'officier général disent cent quinze mille livres, les autres l'évaluent à soixante mille livres; mais il résulte que ce procès a été vendu. {Note de Voltaire.) — \oyez la note de la page 509.

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